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N’ÉTAIT L’ARGENT DES ÉMIGRÉS …

 

(18 mars 2008)   

       
Chaque année, dit-on, les Sénégalais de l’extérieur font entrer près de 900 milliards de francs dans le pays, dont 500 milliards officiellement et le reste par des circuits dits informels. Certaines idées germent alors pour une « meilleure » utilisation de cette manne financière. Ainsi, l’Organisation internationale pour les migrations (Oim), à travers son programme « Migration pour le développement en Afrique » (Mida) s’applique à trouver « des recommandations concrètes sur les initiatives et stratégies à mettre en place pour une gestion plus efficace des fonds transférés par les émigrés. »
            Le Président de la République, qui, en 2000,  avait promis du travail aux chômeurs, se tourne vers les émigrés et leur demande de régler la situation en les invitant à investir dans l’agriculture. Madame le Ministre des Sénégalais de l’Extérieur et du Tourisme, Aminata Lô Dieng, qui s’indigne que seulement 5% de cette importante somme soient destinés aux « investissements productifs », parle de « mettre en place des mécanismes institutionnels en vue de mieux canaliser l’épargne des émigrés sénégalais. » Eh bien ! Croit-elle que nous ne savons pas comment dépenser nos sous ? Elle claironne que les émigrés doivent se montrer patriotiques et créer des emplois pour les jeunes. Bon Dieu ! Sur quelle planète vit-elle ? En tout cas, aveu d’échec ne peut être plus retentissant. Là-dessus arrive Mme Athia Niang Aw, Vice-consul à Paris, qui déclare que « Les émigrés doivent profiter du Plan Reva ». Il faudra lui demander si elle a mis son argent dans ce rêve d’Abdoulaye Wade avant de le conseiller à d’autres.
            C’est bien beau de dire que les émigrés doivent mieux investir, mais « bala nga naan naam, ne fa. » Ces sommes sont envoyées par des centaines de milliers d’émigrés, pour nourrir des millions de Sénégalais restés sur place. Aider leurs parents à survivre est le premier souci des émigrés. Et ensuite, s’offrir le luxe de mener une vie décente. Même des étudiants se décarcassent pour soutenir leurs familles démunies. Est-ce mal investir ? Et les nouveaux riches de l’alternance qui construisent des villas et roulent dans de belles voitures, quels investissements font-ils avec l’argent du peuple ?
            En 2002, nous demandions un ministère de l’émigration pour s’occuper de nos problèmes (http://bathiengoye.net/contributions_06.html). Wade inventa le ministère des « Sénégalais de l’Extérieur », comme si le mot « émigration » lui faisait peur alors qu’en France et au Canada il y a des ministères de l’Immigration… Enfin notre ministre… Le premier élu à ce poste ne s’illustrait que pour faire de la propagande politique. L’actuel, chantre du pouvoir, se trémousse dans tous les sens, mais passe à côté de l’essentiel. On nous a même gratifiés d’un bonus : un député des Sénégalais de l’extérieur et, parait-il, un conseil supérieur des Sénégalais de l’extérieur. A quoi bon ? Rien que de la politique politicienne. Les vrais problèmes des émigrés ne semblent pas les intéresser.
            Pour soulager les Sénégalais de l’extérieur, il faut aider ceux de l’intérieur à subvenir à leurs besoins vitaux. La plupart des familles qui n’ont pas ou n’ont pas eu d’émigrés croupissent dans la misère. Cela n’est un secret pour personne. N’était l’argent des émigrés, beaucoup de Sénégalais mangeraient du sable ou prendraient les armes. Vous le savez, vous les dirigeants. Aidez donc les gens à partir car ils n’attendent plus rien de vous.

  1. Aidez les sans-papiers à régulariser leur situation
  2. Aidez les émigrés à renouveler leurs passeports à temps
  3. Aidez-les à faire venir leurs matériels et leurs voitures de plus de cinq ans, si elles sont en bon état
  4. Aidez-les à ramener les corps des disparus. Sur ce point nous avions suggéré « 100 francs CFA par an, pour rapatrier nos morts », mais cela non plus ne semble pas vous intéresser. (http://bathiengoye.net/contributions_28.html)

            Nous ne vous demandons rien d’autre.
            Pour ce qui est « d’ouvrir une société en 48 heures, l’appui à l’investissement et aux projets, la promotion de l’habitat des Sénégalais de l’extérieur, les mécanismes d’articulation entre banques et institutions de micro finance pour favoriser le financement des Pme/Pmi », accordez ces privilèges à tous les Sénégalais, pas seulement à ceux de l’extérieur. Sinon, vous ne faites qu’encourager les gens à quitter le pays tout en leur demandant de rester.
            Les émigrés, greniers du peuple, doivent s’intéresser de plus près à ce qui se passe au bercail et dire à leurs proches pour qui voter et comment agir pour que leurs conditions de vie s’améliorent.
          

  Bathie Ngoye Thiam.


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