(Wal Fadjri, 22 mai 2007)
Quand les membres de l’opposition dite représentative parlent de fraudes lors des présidentielles, on leur répond : « Vous saviez que le fichier n’était pas fiable et vous aviez accepté de participer aux élections ; c’est donc de votre faute. » Ou alors, on leur demande de fournir des preuves, tout en sachant que, comme disait Idy, « Jusqu’à l’extinction du soleil… » Maintenant qu’ils refusent de se présenter aux législatives, arguant que si le fichier reste le même, confectionné par le parti au pouvoir, il n’y a pas grand-chose à attendre du scrutin, on leur rétorque : « Vous vous êtes enterrés vous-mêmes. C’est encore de votre faute. » Soyons honnêtes.
Demandez aux populations à quoi servent les députés, elles risquent de vous répondre, ayant d’autres préoccupations qui ne semblent pas concerner ces élus : « A rien. » Et pourtant des politiciens sans convictions changent de camp juste pour trouver une place sur une liste électorale. Eux, y trouvent leur compte. N’est-ce pas, messieurs les députés ?
En tout cas, Modou Diagne Fada n’est pas de ceux que le boycott importune. Profitant de l’absence des ténors de l’opposition, il remue ciel et terre pour se faire une place auprès de Buur Saloum. Il attaque Macky Sall dont il lorgne la « station », et Aliou Sow, son successeur au ministère de la Jeunesse, tout en se réclamant de son « père » Abdoulaye Wade. Voilà certes du jamais vu. Veut-il encore monnayer les voix de ses partisans, comme il l’avait fait lors des élections présidentielles ? Que c’est triste ! Et que c’est encore plus triste de penser qu’il y a des gens qui voteront quand même pour lui et sa marchandise dénommée Coalition Waar-wi. ! Il est évident que certains députés, tant qu’ils auront leurs privilèges dont ils ne veulent pas se priver pendant cinq ans, ne serviront qu’à voter d’autres « lois Ezzan » au nom du peuple et pour le bien-être du roi. Mais comme on invite les citoyens aux urnes, il faut bien qu’on les manipule avec des promesses fallacieuses et d’autres astuces.
N’est-il pas choquant d’entendre le maire de Dakar et président de l’Assemblée nationale, qui n’ignore pas que nos jeunes se tuent depuis des années pour sortir du pays, leur dire, à quelques jours des élections, « de former une délégation pour venir à l’Hôtel de ville et voir ensemble, les voies et moyens de résoudre les problèmes du chômage auxquels ils sont confrontés » ? Comment qualifier cela ? Pendant ce temps, le Premier ministre déclarait que le Chef de l’État veut faire de Tambacounda « un pôle de développement économique et d’intégration sous-régionale », en précisant que les populations doivent voter massivement pour la coalition Sopi, « pour que le chef de l’État arrive à concrétiser. » Comment peut-on tenir un tel discours à des gens qu’on a oubliés pendant les sept années de l’alternance ? Au Fouta, il promet trois ponts pour désenclaver Matam. Il fausse ainsi le jeu, se croyant toujours en campagne présidentielle. Les autres candidats qui ne seront que députés dans le meilleur des cas, ne peuvent même pas promettre des dispensaires et des écoles.
Pour bon nombre de Sénégalais, les trois pouvoirs, exécutif, législatif et judicaire, ne font qu’un, sous le contrôle d’un seul homme.
Prenons l’exemple du Senat que Wade nous a imposé après l’avoir lui-même supprimé parce qu’il sait qu’il est inutile. 65 des 100 membres seront élus par lui-même. A quoi donc serviront les 35 autres ? Voilà la « démocratie monarchique » dans toute sa splendeur. On se crée des « opposants » qui ne peuvent s’opposer à rien. La dernière nouvelle est la meilleure. Wade (l’Assemblée nationale) impose d’urgence, en pleine campagne pour les législatives, une loi faisant du président du Senat son « successeur ». Maintenant, il a les mains démocratiquement libres. Il peut élire son fils Karim ou Yaawu Jaal (le comique lutteur) futur chef de l’État du Sénégal et nul n’y pourra rien. Il lui suffira de faire voter une autre loi pour transformer les deux mois au terme desquels le président du Sénat doit organiser des élections en « jusqu’à la date prévue des prochaines élections présidentielles. » Ne serait-il pas plus simple de supprimer l’Assemblée et de laisser Wade décider tout ce qu’il veut, puisque telle est la réalité ? Ah ! J’avais oublié qu’un roi a besoin de sa cour. Et les institutions donnent le mirage d’une démocratie.
Franchement, à quoi bon aller faire de la figuration à l’Assemblée nationale ? Ce boycott montrera qui sont les vrais opposants et qui sont les opportunistes. L’opposition sera dans les masses populaires. Elle sera sans doute traquée, ce qui ne fera que la fortifier. Mais de là à former un gouvernement parallèle … Précisons cependant que tous ceux qui n’ont pas boycotté ne sont pas des opportunistes. Il y a dans la course des candidats proches du peuple, seulement ils risquent, encore une fois, de passer inaperçus.
Bathie Ngoye Thiam.