(Walf Fadjiri, 02 janvier 2007)
Sous Diouf, certains opposants poussaient les populations à descendre
dans la rue voire à brûler des voitures, pour manifester leur
mécontentement et leur désir de "Coppite" (changement).
Le pape du Sopi arriva au pouvoir et ouvrit une voie plus civique pour un
pays de paix comme le Sénégal : le brassard rouge. Plus besoin
de jeter des pierres pour se faire entendre. Il devait s'imaginer qu'aucun
Sénégalais ne peut être mécontent de son règne,
ou alors juste quelques uns de temps en temps. Maintenant, il commence à
voir du rouge partout, et son entourage fait tout pour que cette couleur disparaisse
de la circulation, voulant ainsi empêcher le "roi" de voir
les réalités du pays. Cela a fait perdre le pouvoir à
bien d'autres qui s'y accrochaient. Ouza avait dans une de ses chansons, quelque
chose comme : "Président, bu ñu la nee rééw
mi neex na, da ñu lay nax." (Président si l'on vous dit
que le pays va bien, on vous trompe.)
Le port du rouge est devenu un délit. Des gens sont arrêtés pour cela. Après les employés de Bara Tall et les Lougatois, ce fut aux Kaolackois de décrouvrir ce qu'on risque quand on choisit cette couleur. Là, c'est un ministre en personne que l'on voit donner l'exemple à ceux de son camp. Farba, encore lui, n'a pas hésité à sortir une arme pour menacer des citoyens qui n'ont droit qu'aux brassards rouges pour montrer leur mécontentement. Et quand on y rajoute que ce ministre lançait des injures d'une vulgarité telle que les chroniqueurs ont trouvé indécent de les rapporter, on ne peut que se demander encore une fois quelle république est devenu le Sénégal. Brandir un revolver pour arracher les chiffons d'autrui n'est rien d'autre qu'un vol à main armée. Pourquoi Farba s'est permis de sortir son "gun" alors que c'est lui qui, avec sa bande de nervis, attaquait des citoyens qui suivaient les consignes du président de la République ? En tout cas, il a agi en toute impunité, donc en toute légalité. C'est grave.
Pour Wade, le port du brasseur rouge doit être motivé par des revendications saines, au lieu de prendre d'autres tournures. Qu'est-ce qu'une revendication malsaine ? Rappeler des promesses non tenues ? Vouloir vendre son arachide ? Selon le président, "affaire bi dafa rax." A Louga, on avait accusé l'opposition d'être derrière les manifestants. N'est-il pas permis, à quelques dizaines de jours des élections, de vouloir le départ d'un président dont on n'est pas satisfait ? La main des adversaires politiques n'y est pour rien. Si tout le monde était content, on n'aurait vu du rouge nulle part. Dit-on que la main du Pds est derrière ceux qui applaudissent ? Pourtant des cars d'applaudisseurs se remplissent pour aller de ville en ville, ce qui peut donner une impression d'accueil chaleureux et "trionphal" partout où se rend Gorgui. S'il est permis à d'aucuns d'acclamer parce qu'ils seraient satisfaits, il doit être permis à d'autres de huer parce qu'ils sont mécontents.
C'est alors que Wade sort une de ces idées dont il a l'apanage : "C'est moi qui ai demandé aux Sénégalais de mettre des brassards rouges pour revendiquer. Maintenant, je recommande à tout citoyen bien intentionné qui a des revendications, de mettre un chiffon blanc." Il leur dit brassards rouges, ils les mettent, il leur dit maintenant brassards blancs. Et Farba invite au port du brassard bleu pour soutenir le président de la République. Tout cela ne fait pas sérieux. Wade, donne-t-il raison à Senghor qui disait lors de la campagne électorale de 1978 : "Abdoulaye Wade n'est pas sérieux. Il est, comme l'a encore une fois dit le Secrétaire général du parti socialiste, "thiakhane" deux fois pour avoir dit qu'il aura 65% des voix le 26 février." (LE Soleil, 18/19/20 fevrier 1978) Ou serait-il mal informé, comme le soutiennent les enseignants dont il a rejeté les revendications ?
On dirait que ce qui dérange, ce n'est pas la couleur du brassard,
mais le brassard lui-même. Il serait donc plus simple et plus direct
de dire : "C'est moi qui ai demandé aux Sénégalais
de mettre des brassards rouges pour revendiquer. Maintenant, je leur interdis
de les mettre."
Bathie Ngoye Thiam.