(Wal Fadjiri, 17 novembre 2006)
Depuis quelques temps, des hommes politiques de la mouvance présidentielle, avancent que notre Idy national a des journalistes à sa solde. Notre Farba hors du commun se permet de citer des noms et Me El Hadj Diouf promet d’aller en guerre contre les journalistes « pro-Idy ». Je sens que les amateurs de divertissements vont encore se régaler. Thiey Sénégal ! Les journalistes sont certes comptés parmi les plus corrompus au Sénégal, mais... Il se trouve qu'Idy, le « communicateur », fait tout pour occuper le devant de la scène et l'on ne peut pas reprocher aux journalistes de faire leur travail. Bien entendu, monsieur en profite pour essayer de donner aux électeurs l’image d'un homme honnête, vertueux, intelligent, un bon père de famille qui aime sa femme, qui ne drague pas, ne fréquente pas les bars, et j'en passe.
Sur Rfm, le pauvre journaliste qui s'est déplacé pour l’interviewer n'a pas le temps de poser ses questions. Monsieur Seck récite un discours qu'il semble avoir préparé d'avance. Et il y va avec ses versets. Sourate telle, verset tel. Comme l'on pouvait s'y attendre, certains tombent dans le piège, disant : « Il connaît bien le Coran. » Mon oeil. Demandez-lui à l’improviste quel est le verset 12 de telle sourate. De plus, ceux qui connaissent le Coran ne jouent pas avec. Monsieur lui, se réfère à Napoléon qui amusait ses collaborateurs en citant le Coran. Et il trouve que ce serait intelligent de se servir du saint Livre pour embobiner les populations. Inquiétant, n'est-ce pas ?
Mais quand on se sert des médias pour ses ambitions, il faut s'attendre au revers de la médaille. La chute est souvent imprévisible.
L'ancien Premier ministre, poussé à bout, tout le monde voulant savoir l'origine de sa soudaine fortune, avoue avoir puisé dans les fonds politiques pour s’enrichir. N'est-ce pas là une révélation de taille ? Les journalistes de tous bords reprennent l’information, certains criant « Au voleur ! », d'autres tentant de recoller les pots cassés. On se demande alors pourquoi il a avoué, lui qui ne cessait de déclarer : « Jusqu'à l'extinction du soleil, le détournement du moindre centime d'argent public ne pourra m'être imputé... Tout ce que je possède a une origine licite. » Personne n’y croyait, bien entendu. Il lâche donc une partie du morceau : « Je ne me suis pas enrichi à la faveur du pouvoir. Les seules ressources que mon passage au pouvoir a mises à ma disposition et qui renforcent mes moyens d’intervention politique et sociale sont les fonds politiques que le Président lui-même m’a discrétionnairement alloués. » En bien ! Voyons ! C'est donc licite de se servir des fonds politiques pour s'enrichir ? N'importe qui peut les détourner en toute quiétude ? Je suis de ceux qui se demandent si M. Seck n’a pas parlé des fonds politiques où il ne peut encourir aucune peine pour détourner notre attention des chantiers de Thiès. Veut-il protéger son épouse qu’il nous décrit comme une femme qui s’habille bien et sent bon ? On a pu lire que dès que l'affaire des chantiers de Thiès a éclaté, des biens qui étaient au nom de cette femme ont été vendus. Pour ne pas laisser de preuves jusqu'à l’extinction du soleil ? En tout cas, Wade dit lui avoir accordé vingt et quelques milliards, mais qu'il en a pris quarante. Que va-t-on chercher d'autre ?
Et puis, voilà notre Idy invité par le grand Abdou Latif Coulibaly, le journaliste hors pair, le diseur de vérité, celui qui honore la profession, etc. Dès le départ, on est frappé par la familiarité entre les deux hommes. Idy se sent chez lui et n'hésite pas à tutoyer son interlocuteur. Rappelons qu’il venait juste d'avouer s'être enrichi, en partie, grâce à l'argent du peuple. Naturellement, on s’attendait à ce que Latif pousse ses « investigations » pour édifier les citoyens. O déception ! On a l’impression que monsieur Coulibaly s'efforce de faire passer son invité comme une victime, histoire de rectifier le tir. Il lui pose sans cesse des questions du style « Est-ce que votre rupture avec Wade vous a causé de la peine ? » Et quoi encore ? Franchement, les Sénégalais ont d’autres questions :
- Idy, vous semblez dire que vous vous êtes en partie enrichi en vous servant des fonds politiques. D'où vient l'autre partie ?
- Combien d'argent avez-vous soutiré de ces fonds ?
- Vous avez dit « Une histoire d'argent m'oppose à Wade. » De quel argent s'agit-il ?
- « Les grands bandits ne se disputent qu'au moment de partager le butin. » Etes-vous deux bandits qui se sont disputés au moment de partager les milliards du pays ?
- Après ce que vous avez fait à Wade, enregistrer à son insu vos conversations privées et vous approprier l'argent qu'il vous avait confié, pensez-vous que le peuple pourra vous faire confiance ?
- A quoi jouez-vous en faisant descendre vos Cd de façon fragmentée et graduelle comme le Coran ? Vous prenez-vous pour Dieu ?
On ne peut pas passer sous silence les milliards de francs du peuple qu'Idy aurait mis dans sa poche pour ensuite revenir dire aux Sénégalais de voter pour lui. Non, le grand Latif a déçu. On est hélas obligé de penser à une rumeur qui faisait d'Idy l'informateur du journaliste, car Latif, dans ses écrits, révèle parfois des choses que ne peut savoir qu'un proche du pouvoir. Et, étrangement, ses déballages ont fait réagir tous les hommes politiques sauf Idy qui est, comme nous le savons tous, prompt à divulguer des secrets dits d’Etat. Mais, n'alimentons pas davantage les rumeurs...
Monsieur Seck déclare à propos des sommes d'argent qu’il a « déplacées » (randal, en wolof) : « J'ai déjà indiqué chez moi le code qui préside leurs redistributions : les proches, les orphelins, les indigents, les lourdement endettés, les voyageurs en détresse et ceux dont les cœurs sont à gagner à notre cause. » Est-ce l'envoyé de Dieu qui parle ? Si ce type n'est pas fou à lier, il prend vraiment les Sénégalais pour des moutons. Ainsi donc, on peut voler pourvu qu'on en donne une partie aux proches, aux orphelins, etc. Que c'est beau, facile et simple ! Dans certains pays, il serait pendu sur la place publique. Après ces aveux, le bon musulman qu'il est ou aspire à être devrait demander qu'on lui coupe les mains, vu que c'est ainsi qu'on doit punir les voleurs d'après la charia. Mais, non. Il va « siffler la fin de la récréation » et porter plainte contre quiconque l'accusera. Il ne manquait plus que ça ! Il faudrait d'abord qu'il nous donne une autre définition du mot « voleur ».
Là où l'on tombe des nues, c'est quand il déclare avoir consigné dans un registre les mouvements de ces fonds. « Le Livre m’a inspiré d’en dresser compte. Même si la loi dit qu’il n'y a pas comptabilité, pas d’explication, pas de justification, j’en ai dressé compte... » Et il menace de sortir la liste des bénéficiaires. C'est lamentable ! Nous dire à qui Wade a donné des sous qu'il pourrait « mettre sous son lit ou brûler » ne nous intéresse pas. Par contre, charité bien ordonnée commençant par soi-même, Idy doit, sans tarder, publier la liste de ses proches, des orphelins et autres à qui ou avec qui il a partagé le butin. Mara, on attend le CD. Cela facilitera le travail à la Dic. Et surtout, n'oubliez pas de citer les noms des ceddo et autres païens qui, grâce à cet argent, ont rallié la cause de l'Islam.
D'aucuns disent : « Ils sont tous des voleurs, donc arrêtez de nous parler de ces histoires d'argent. » On ne peut être plus irresponsable. Il faudrait qu'on montre à la télé un milliard de francs, en billets de 5 000 étalés, et les Sénégalais qui crèvent la dalle verront qu'il ne s'agit pas d’une somme négligeable. Et là, il est question de dizaines de milliards. Mais comme tout est bien qui finit bien, on peut supposer qu'Idy a juste « emprunté » un peu d'argent qu'il rendra, une fois président, aux fonds politiques à sa disposition. Pauvre Sénégal ! (On parle d’Idy, mais il n’est, disons-le, que l’arbre qui cache la forêt.)
D'autres ont le culot d'arguer qu'Idy a voulu susciter le débat sur les fonds politiques pour que le citoyen puisse se prononcer par rapport à cet argent du contribuable dont le chef de l'Etat peut faire usage sans aucune forme de comptabilité. Ah ! Nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Ainsi tout malfaiteur capturé peut dire qu’il voulait juste susciter un débat. Le pédophile dira : « Oui, j’ai violé vos enfants, mais c'était dans le but de vous pousser à mieux les protéger. »
Seulement, il y a eu du nouveau. Me Ousmane Séye, l’avocat de l'Etat, déclare que c'est Idy qui veut appeler cet argent « fonds politiques », alors qu’il s'agit de fonds publics. Et il va plus loin en affirmant que pour négocier sa libération, l'ancien Premier ministre avait promis de financer, avec cet argent, disons une partie, la campagne électorale du candidat Wade. Et les déshérités et les orphelins ? Ah ! J'ai failli oublier que les campagnes électorales sont des occasions d'offrir des sacs de riz. N'empêche que dans tout cela, le peuple se demande qui dit la vérité. Le camp de Wade n’inspire plus confiance, mais Idy manque atrocement de crédibilité. N'est-ce pas lui qui disait qu'il n'y a jamais eu de négociations ? Maintenant, le voilà qui raconte, de mémoire, les « minutes de ces négociations ». Pourquoi de mémoire ? Lui, si méticuleux à enregistrer ses conversations et à « dresser compte », comment se fait-il qu’il n'ait pas enregistré ces importantes conversations ? Il était en prison, certes, mais rusé comme il est et bien branché technologie, il devrait nous sortir un Cd sur ces négociations enfin avouées. Bref. C’est alors que la notaire Nafissatou Diop Cissé, plénipotentiaire de l’accusé, obligée d’entrer dans la danse pour avoir été au cœur du « deal », menace : « S’ils publient leur document, nous ne nous ferons pas prier pour publier les documents que nous avons. » Et le feuilleton continue ! J’espère que le reste du monde ne suit pas ce qui se passe chez nous car il y a de quoi avoir honte.
A trop parler, Idy s'enfonce tout seul. Les médias dont il se sert sans modération risquent de le perdre. Et si par malheur il accède au pouvoir, grâce à eux, les journalistes auront intérêt à être ses griots ou à changer de métier, car un tel personnage ne laissera aucun opposant suivre la même voie pour le détrôner. Messieurs de la presse, vous voilà donc avertis !
Bathie Ngoye Thiam.