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APRES SAA-NOKHO ET SAA-NEEX, VOICI SAA-IDY !

(Wal Fadjiri, 03-10-06)

Imaginez Saa-Neex, le truculent comédien, dans le rôle d’un candidat aux élections présidentielles tenant un discours à la Nation. Voici ce à quoi m'ont fait penser les deux derniers Cd d’Idrissa Seck, surtout celui en wolof. Lui qui nous avait accoutumés aux déclarations à forts relents religieux, aux discours emphatiques et pompeux, aussi creux que solennels, a surpris plus d'un en s'exerçant avec une égale inefficacité au comique. Le mystérieux sage qu’il a cité en annonçant sa candidature lui aurait-il enfin fait comprendre que le Saint Coran ne s'utilisait pas à hue et à dia au gré des intérêts de celui qui s'en sert ? Toujours est-il que ses Cd sont à se tordre de rire, mais pas à cause des imitations. S’il continue dans cette lancée, bientôt on entendra les gens se dire : « Avez-vous écouté le nouveau Saa-Idy ? Ree ba tass ! » Et comme dans notre ré(ba sonn)publique le ridicule ne tue plus depuis le 19 Mars 2000, Saa-Idy ponctue la fin de ses élucubrations des magnifiques envolées de Yandé Codou Sène, l'égérie de Senghor avec qui Mara, quoi qu'il puisse vouloir croire, n'a en commun hélas ou heureusement que le teint et la taille.
Ensuite, Monsieur Seck est particulièrement critique envers son ancien mentor assimilé à un lièvre, animal dont la réputation ne provient pas de la capacité à supporter de lourds fardeaux. C’est vrai. L’âne est plus indiqué pour ce type de tâches.

Il prétend minimiser les conflits personnels et insiste sur l’intérêt de la Nation. C’est à tomber des nues. Depuis quand le « né pour être président », qui se targue de cracher sur la place de numéro 2, se préoccupe-t-il de l’intérêt de la Nation ? (Je parle d’actes et non de belles paroles.) C’est alors qu’il nous explique que l’intérêt de la Nation est de l’élire, lui, Idrissa seck, car dit-il « ces intérêts commandent aujourd’hui que soient corrigées les insuffisances notées sur le pouvoir de Wade. Qui pourrait mieux le faire que celui qui en connaît l’envers et le revers ? » Lui donc, celui dont le gouvernement semble déjà fixé et qui ne semble penser aux intérêts de la Nation que quand il les confond avec les siens.
J’espère que rire ne rompt pas le jeûne, car on ne peut s’empêcher de pouffer en entendant Saa-Idy déclarer qu’il a été écarté du gouvernement parce qu’il n'a cessé d'exprimer son désaccord sur certains sujets. Apprenez Monsieur Seck, que lorsque l'on se pique d'être un homme d'état de la même trempe que Senghor par exemple, on ne se contente pas d'exprimer du bout des lèvres sa désapprobation, on ne se complait pas dans les accointances hypocrites et les viles alliances, on ne ronge pas son frein en attendant son heure : on démissionne. Voilà ce qu'aurait fait un Homme. Il est bien facile et tout aussi lâche de jeter du sable dans le plat dont on sait qu’on n’y mangera plus.

Saa-Idy énumère les défauts de Wade comme s’il venait de les découvrir avec dégoût et incompréhension. Si en trente ans de compagnonnage il n’a pas réussi à les déceler, qu'il ne compte pas sur nous pour croire qu'il pourra en quelques mois voir les problèmes des Sénégalais et les résoudre. De deux choses l'une : ou il est dupe et naïf ce qui est un problème bien important ou pire, il ne s'en est jamais préoccupé tant que cela lui convenait. Dans un cas comme dans l'autre, comment confier notre pays et ses millions d'habitants à un tel homme ? Il déclare que le devoir lui prescrit d’intervenir pour éviter le naufrage. Ha ! Ha ! Ha ! Saa-Idy est vraiment drôle ! Qu’il y ait risque de naufrage ou pas, il faut bien qu’il trouve un prétexte, car n’oublions pas qu’il est né pour être président. Lui, le messie investi d'une mission quasi-prophétique de sauveur, devrait d’abord nous éclairer, nous pauvres hères ignorants, sur les origines de son immense fortune dont il s'est vanté et qui lui permet de vivre en France, dans de grands palaces, des mois durant, de financer ses voyages, ses tournées de grand-duc, sa vie de château. Nous attendons la preuve qu'il a les mains aussi propres qu'il cherche à le faire croire sans jamais le prouver. Que lui, « le grand croyant », pose donc sa main sur le Saint Coran et jure qu’il n’a jamais détourné de deniers publics. Son dossier est pendant en justice parce qu’il est accusé d’avoir volé l’argent de ce pauvre peuple qu’il veut gouverner, mais Monsieur se cantonne à dire qu’on y a mis tous les moyens possibles sans pouvoir prouver sa culpabilité. Cet argument est bien faible et ne prouve en rien son innocence. D’aucuns soutiennent que puisque la justice des hommes n’a pas de preuves, nous devons faire comme si de rien n’était et voir en Idy l'homme le plus honnête que la terre ait jamais porté. Mais confie-t-on de la viande à une hyène ? Des milliards se sont évaporés, Idy y a les mains salies jusqu’aux coudes, mais en grand seigneur, il pardonne aux « enquêteurs ». Ha ! Ha ! Ha ! Saa-Idy est plus que drôle ! S’il a découvert la caverne d’Ali Baba ou ramassé la calebasse de Kuss, qu’il nous le dise donc et le débat sera clos ! Nous saurons enfin d’où vient sa soudaine fortune que ne sauraient expliquer ses salaires de ministre et de maire. Nous croirons en lui que nous saurons ce qui s'est vraiment passé avec la Sonatel, qui était James Stewart, qu'en est-il de l'histoire des véhicules importés. Tout laisse croire qu’en matière d'affaires, Saa-Idy n’est pas Saint-Idy. Le renard est connu pour cacher ses biens là où nul ne peut les trouver. L’absence de preuves ne peut en l'espèce aucunement signifier innocence. Et les milliards des chantiers de Thiès ne doivent pas devenir un sujet tabou.

Monsieur, malgré son éviction, se réclamait toujours du parti de Wade, « sa famille naturelle », prêt à rentrer dans les rangs « si le peuple le demandait. » Que c’est drôle ! C’est évident qu’il jaugeait ses chances d’accéder au pouvoir, quitte à cautionner une politique qu’il juge désastreuse pour le pays. Ses intérêts d’abord, ceux de la Nation ensuite. Mais Wade ne veut plus de lui. Il crée donc son propre parti politique dénommé « Rewmi » (Le pays) et il compare « sopi » et « rewmi », oubliant que « sopi » n’est pas le nom d’un parti, mais juste un slogan. A force d’imiter Wade, il en perd les pédales. N’eût-il pas été plus simple de créer le P.R.N. (Parti pour le Redressement National) ? Non, Monsieur veut faire comprendre à tous les enfants du pays qu’il est désormais leur père, bon gré mal gré. Mais « rééw mi » étant wolof, les citoyens des autres ethnies risquent de ne pas s’y retrouver. Je crois donc que « Sénégal » serait plus approprié comme nom du parti du Sauveur. Il pourrait même anticiper et l’appeler « Afrique », vu que Wade et Khadafi envisagent les futurs Etats-Unis d’Afrique. Encore une fois, si le ridicule pouvait tuer !
On attend donc son programme. Que nous sort-il ? Il répète à l'envi les maux dans lesquels nous nous débattons tous les jours et qu'un enfant pourrait énumérer, affecte d’être concerné, lui le nabab, et promet d’apporter les remèdes. Classique, me direz-vous. Wade est déjà passé par-là... Le plus drôle est que Saa-Idy n’a pas dit un mot sur la corruption et les détournements des deniers publics qui gangrènent le pays. Y aurait-il anguille sous roche ?

Idy me fait penser à d'autres acteurs de l'histoire politique africaine, Mobutu par exemple. Même soif de pouvoir, même ambition folle, même détermination à ne reculer devant rien pour arriver à ses fins, même égocentrisme, même « reconnaissance » envers ceux qui les ont initiés à la politique. Tous deux, quand ils ont goûté un peu au miel des hautes stations ont voulu le pouvoir tout entier, par tous les moyens. Pour rappel, Mobutu n’était rien quand Patrice Lumumba le fit entrer en politique et lui confia des responsabilités. On sait le rôle que joua le futur dictateur zaïrois dans l'arrestation et l'assassinat de son mentor. Idy sans aller jusque là, se serait contenté d’enregistrer dès le départ et sournoisement ses conversations privées avec le Président de la république qui lui faisait entièrement confiance et de soustraire frauduleusement son bulletin de santé. Comme je disais, il y a quelques mois, si Dieu se proposait pour diriger le Sénégal, Idy serait capable de lui répondre : « Je ferai de Toi mon Premier ministre car je dois être numéro 1. » Et si on avait un président parfait dans un Sénégal qui gagne, il serait alors question de coup d’État rampant, couché ou debout. Je le redis, le pouvoir rend fou et Monsieur a grand besoin de quelques séances de ndëpp.
Certes l'ambition peut être une qualité, mais dire « Je suis né pour être président », c'est penser sincèrement et profondément que l'on est celui que Dieu a choisi pour diriger tous les Sénégalais, pour être leur chef et leur berger. Quiconque pense ainsi est un danger public. Pendant que Wade clame qu’il n’y a aucun Sénégalais capable de le remplacer, Idy croit que lui seul est capable de diriger le pays. Ces deux-là, imbus de leurs personnes, ont décidément une bien piètre idée de leurs compatriotes. Ils tiennent les Sénégalais pour des incapables, des attardés mentaux, des moins que rien, des « yambars » dont ils peuvent faire tout ce qu’ils veulent. La différence fondamentale entre les deux hommes est que Wade au moins croit à ce qu’il dit, même s’il est souvent le seul à y croire.
Idy critique une situation qu’il a grandement contribué à créer. Il reconnaît qu’il avait une position de quasi-président de la République. Qu’avait-il alors fait pour la Nation ? Directeur de cabinet, son travail consistait à se rapprocher de son but, tout faire pour devenir Premier ministre. Les Premiers ministres qui l’ont précédé, Mame Madior Boye surtout, ont travaillé dans l’intérêt du pays. S’il les a écartés, ce n’était donc par pour l’intérêt de « rewmi », mais pour le sien personnel et égoïste : le pouvoir. Une fois cette « station » atteinte, il lui fallait tout mettre en place pour arriver à destination le plus rapidement possible. Seulement, dans sa précipitation, son train a déraillé. Il ne perd pas espoir cependant, convaincu qu’il lui suffit de dire ce que les gens veulent entendre pour être élu. Il en est d’autant plus convaincu qu’il y a des gens qui s’allient à lui dans l’espoir d’avoir demain leur part du gâteau qu’est l’argent du peuple. Des gens qui le défendent bec et ongles et taxent de pro-Wade quiconque dénonce ses manœuvres ou demande où sont passés les milliards de Thiès.

D’aucuns disent « Oui, mais quand il atteindra son but, ce pourquoi il est né, il se mettra enfin à travailler pour l’intérêt du pays. » On se souvient qu’être président n’avait pas suffi à Mobutu. Il avait traqué et éliminé tous ses rivaux, avant de commencer à s’attribuer tous les titres possibles et imaginables. Idy aurait déjà des diplômes fictifs… La folie des grandeurs n’a pas de limites. D’autres disent : « S’il a volé et est devenu riche, il n’aura plus besoin de voler une fois au pouvoir. » Je ne sais pas s’il faut en rire ou en pleurer. Ceux qui aiment l’argent n’estiment jamais en avoir assez, même si on leur offrait le monde et tout ce qu’il contient. Et puis, ne dit-on pas qu’un voleur reste un voleur ? Wade gaspille nos sous et s'entoure de voleurs qui s'empressent de se remplir les poches avant le prochain remaniement. Idy président, le mot d'ordre ne sera pas « ne pas se servir », mais de ne pas se faire prendre « jusqu’à l’extinction du soleil.»
Et ceux par qui la vérité devrait pouvoir arriver, les sentinelles de l'information juste et vraie, sont ceux grâce à qui Saa-Idy a ravi la vedette aux Saa-Neex et autres comiques. Ils le peignent sous les traits de « l'homme de la situation ». Il s'agit bien entendu de certains journalistes qui ont érigé le « duel Wade/Idy » en machine médiatique, une vraie manipulation de l’opinion publique. Un journal de la place est allé jusqu’à citer les noms de trois étudiants qui ont adhéré au parti de Saa-Idy. C’est lamentable. De toute façon, j’espère que le peuple n’aura pas à choisir entre le pire et le moins pire, alors qu’il y a d’autres candidats ou potentiels candidats dont on ne parle bizarrement pas ou que Wade a rayé de la liste en imposant une caution que ces honnêtes citoyens ne peuvent pas débourser. Il n’y a pas que des pro-Wade et des pro-Idy au Sénégal. Beaucoup ne veulent ni de l’un ni de l’autre.

Bathie Ngoye Thiam.


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