(Wal Fadjri, 15-07-2006)
Pendant des jours et des jours voire des semaines, « l’affaire
du puits de Bambey » nous avait tenus en haleine pour brusquement s’évanouir
dans les méandres des oubliettes, comme cela arrive souvent dans les
scandales politico-juridiques. Pour rappel, le ministre de l’Urbanisme
et de l’Aménagement du Territoire, Assane Diagne, réhabilitait
un vieux puits dans la commune, sans l’autorisation du maire Pape Diouf.
Ce dernier aurait fait démolir le puits, ce qui lui a valu quelques
jours en prison. Le premier dit qu’il n’avait pas besoin d’autorisation,
le second qu’il n’a jamais touché au puits, mais a juste
fait déplacer des buses.
Cette affaire opposant deux fils du terroir avait, nul n’en disconvient,
des soubassements politiques. L’actuel ministre était dans le
Ps, parti de l’ancien régime, avant de retourner sa veste pour
se hisser dans les rangs du Pds arrivé au pouvoir. Quant au maire,
il fut un actif militant du Pds avant d’en être exclu pour des
raisons d’appartenance à tel ou tel clan. Bambey n’a donc
été qu’un terrain de règlements de comptes, le
puits ayant servi de prétexte. D’ailleurs Pape Diouf, à
sa sortie de prison a plus parlé de politique que du puits. Il déclarait
: « Je n’ai pas de meurtre dans ma conscience », «
Je n’ai jamais tué et je n’ai jamais fait tuer »,
comme s’il faisait allusion aux révélations de Latif Coulibaly.
Et il affirmait craindre pour sa vie. Il a été condamné
à deux ans de prison avec sursis et 500.000 francs d’amende,
assortie de deux millions de francs à titre de dommages et intérêts.
Mais pourquoi Assane Diagne, natif de Mbaba Garasse, un village du département
où l’eau est rare, est-il allé réparer un puits
à Bambey ? Ne dit-on pas que charité bien ordonnée commence
par soi-même ? Pape Diouf n’a pas manqué de souligner que
les habitants de Bambey ne sont pas les plus nécessiteux en alimentation
en eau potable, puisque à Mbaba Garasse les puits font plus de 60 mètres
de profondeur et les femmes peinent à acheminer l’eau. Tenez,
ça ne vous rappelle pas les fameuses factures de Keur Madiabel ? C’est
drôle comme les « affaires » se répètent.
En tout cas, si le but était de déstabiliser le maire pour lui
faire perdre sa base à Bambey et le liquider politiquement, c’est
bel et bien raté. Cette méthode n’a fait que renforcer
la sympathie de la population à son égard. Même ses détracteurs
sont choqués par la machination dont il a été victime,
le piège dans lequel il est tombé. Pendant tout le temps qu’il
a passé au Ps, monsieur Diagne ne s’est pas soucié des
problèmes de la population bambeyoise. Où était-il quand
la ville manquait d’eau et que Marème Mbaye, une de ses habitants,
partit toute seule, avec ses mains nues, remettre en marche ce même
puits qui, depuis, porte son nom ? Pourquoi a-t-il attendu l’exclusion
de Pape Diouf du gouvernement puis du parti, ce qui a donné naissance
à des conflits politiques, pour jouer les « baay defal Yalla
» (charitables) ? Il n’est certes jamais trop tard pour bien faire,
mais là, c’est louche. Dieu merci, les Bambeyois ont compris
le pourquoi de cette soudaine générosité, tout comme
ils ont compris pourquoi Pape Diouf a envoyé des gens déplacer
les buses qui se seraient cassées « d’elles-mêmes
».
Le puits dont il est question a été creusé par les colons,
à l’époque où les trains consommaient du bois et
devaient s’arrêter à certaines gares pour qu’on mette
de l’eau dans les radiateurs. C’est pourquoi on parle du «
puits de la gare. » Il n’était pas destiné aux populations.
Les Blancs avaient mis en place un réservoir d’eau, au cas où
le puits tarissait. Ce réservoir, laissé à l’abandon,
comme d’ailleurs tout le reste de la ville, est gravement incliné
depuis au moins une dizaine d’années et menace de s’effondrer
à tout moment. Ils avaient aussi construit d’autres puits, mais
dans leurs maisons. Les populations n’avaient qu’à se débrouiller.
Depuis, le délabrement n’a cessé. Il était donc
grand temps de faire quelque chose, et là, on ne peut dire que : «
Bonne initiative, M. Diagne ! »
Actuellement, les travaux continuent. Ce sera bientôt fini, dit-on.
Il y aura des robinets, une aubaine pour les femmes du voisinage et les vendeurs
d’eau. Tout est bien qui finit bien. Espérons que M. Diagne va
continuer dans son élan de générosité et construire
de tels puits dans les autres quartiers avec, cette fois, l’autorisation
du maire.
Un puits qui mérite aussi d’être réhabilité
est le « Teen Xaab », le plus grand puits de la commune, aujourd’hui
en ruine et bourré d’ordures. Contrairement à celui de
la gare, il a été construit par des Bambeyois, pour l’utilité
publique. A mon avis, il devrait même être classé monument
historique.
Seulement voila : Bambey, bien que doté de trois ministres dont celui de l’Urbanisme, qui y est aussi conseiller municipal même s’il n’assiste jamais aux réunions, une ex Ps qui a retourné sa robe pour entrer dans le parti au pouvoir et un ex plusieurs fois ministre qui en est le maire, est sur une voie qui ne laisse présager rien de reluisant. Les vrais problèmes sont là.
Le grand boulevard sur lequel se trouvait le « Teen Xaab » devrait
être conservé. Il partait de la gare routière nommée
« Xayga », devant le dispensaire, longeait l’Ecole Régionale
devenue Ecole Cheikh Awa Balla, traversait la place « Boutigou Bass
» et allait se perdre du côté du marigot « Déég
Caapi ». Je l’imaginais bien devenir dans quelques dizaines d’années
« Les Champs Elysées » de Bambey. Mais que vois-je ? On
a laissé construire de l’habitat presque contre le puits. C’est
bien dommage, messieurs les décideurs de la commune !
Un autre grand et vieux puits est le « Teen Seega », du nom de
son créateur Séga Diallo. Celui-là par contre doit être
démoli car il est mal placé. Ses constructeurs n’avaient
pas prévu le développement de la cité. Il se trouve au
carrefour de deux routes dont la Nationale qui doit s’élargir,
vu tous les accidents de circulation qu’il y a entre Bambey et Khombole,
à cause de l’étroitesse de la chaussée. Il y a
d’autres petits puits dont la plupart ne fonctionnent plus, mais en
ce vingt-unième siècle, les gens ont surtout besoin d’eau
courante au robinet. Même sous le règne de Pierre Senghor il
y avait quelques robinets publics. Ah ! J’oubliais que Bambey recule…
Pape Diouf et Assane Diagne, au lieu de se faire la guerre, devraient se demander
comment résoudre les problèmes de cette ville qu’ils aiment
ou prétendent aimer. Le puits de la gare devrait être pour eux
l’occasion de remettre en cause le terrain sur lequel il est construit
et qui appartient à Transrail, donc au ministère de l’Equipement.
Cet espace scinde cruellement Bambey en deux, faisant du quartier Dfv (Derrière
la Voie Ferrée) une sorte de banlieue où il n’y a aucune
infrastructure.
Sur ce terrain, je verrais bien un marché, un très grand marché,
des cantines, des restaurants, un foirail, un « garage » pour
calèches et charrettes, des magasins pour stocker les marchandises,
des espaces libres et que sais-je encore.
Assane Diagne, disent les journaux, avait fait « pression » sur
Transrail pour avoir la permission de toucher au puits. Qu’il se mette
donc en accord avec le maire et que tous deux continuent cette « pression
» pour que ce terrain soit restitué ou vendu à la commune
! Ils doivent mettre de côté leurs querelles et leurs intérêts
personnels de politiciens et penser à l’intérêt
du département qu’ils sont censés servir.
En attendant, il y a d’autres urgences comme goudronner les routes,
résoudre le problème des eaux stagnantes en hivernage, éclairer
les rues, ramasser les ordures, rendre l’eau accessible à tous.
Réhabiliter le vieux château d’eau (Kadd gi) ou en créer
un au quartier Dvf ne ferait pas de mal à la population. Ce serait
mieux que de se chamailler pour un puits.
Bathie Ngoye Thiam