(23-05-2006
Wal Fadjiri, 26 mai 2006.)
Si le nombre des médailles et décorations fait un bon chef
d’État, les Sénégalais peuvent se réjouir.
Me Wade les collectionne comme un enfant le ferait avec des billes. Mais à
quel prix ?
Des centaines de millions, voire des milliards, sont gaspillés pour
applaudir le roi pendant que le peuple meurt de faim. Le « sage de l’Afrique
» raffole des honneurs, et le monde entier le sait. Mérite-t-il
toutes ces distinctions ? Ne versons pas dans la polémique. Je suis
fier que le président soit récipiendaire de ces prix et j’en
danserais de joie si des sommes faramineuses n’étaient pas dépensées
pour satisfaire son narcissisme. Est-ce avec son salaire qu’il paye
tout cela ou avec l’argent du peuple ? Voilà la question. Quand
bien même cela serait avec les fonds politiques, il est bien indécent
de gaspiller tant, à hue et à dia, pour une petite gloriole
aussi éphémère qu’inutile, alors que les chômeurs
qui hier levaient la main et se sont battus pour l’avènement
de l’alternance sont aujourd’hui contraints de risquer jusqu’à
leur existence sur de frêles esquifs traversant l’atlantique …
Il faut dire que Buur Salum Wade adore les lambris dorés, les éloges
aussi grandioses qu’immérités, les prix et autres médailles….
Huit chefs d’États pour le voir recevoir son prix. Pourquoi pas
? Mais des centaines de supporters transportés, aux frais du contribuable.
Là, c’est trop.
Un petit rappel :
En 2004, du beau monde fut emmené à New York où Gorgui
recevait le prix des Droits de l’Homme. Ministres, journalistes, hommes
d’affaires, militants, musiciens, sympathisants, etc. Le président
de la République voulait que ce prix ait de l’éclat et
du retentissement. Aux frais de qui ? Et comme le roi tient aux honneurs,
il fallait donc, à son retour à Dakar, un « xawaare »
à son honneur à Sorano. Les artistes devaient lui rendre hommage
lors d’une soirée organisée par le Premier ministre, le
jeudi 30 septembre. Ce fut la nuit des « Merci, papa président,
nous sommes fiers de vous. » Ignorant sans doute que trente-cinq autres
personnalités avaient reçu ce prix avant lui, les « griots
» criaient : « Il a eu ce que personne n’a jamais eu : le
prix des Droits de l’Homme qu’il est allé nous ramener
des Etats-Unis d’Amérique ! » J’espère qu’ils
ont été bien payés. Ne dit-on pas que tout flatteur vit
au dépend de celui qui l’écoute ? C’était
la compétition des thuriféraires et Dieu sait qu’ils sont
légion, ces flagorneurs de haut vol, sans vergogne…. Tous les
membres du gouvernement y étaient, sans oublier ceux de l’Assemblée
nationale. Quand le roi ouvre le bal, nul n’a honte de danser. Les militants
et les profiteurs ne furent pas priés pour envahir les lieux. Et Sa
Majesté fut bien applaudi.
Nous avons eu droit à l’anniversaire de l’alternance, des
millions de nos francs dans le vent pour que Wade puisse satisfaire son ego.
Par la suite, 20 millions furent dépensés pour l’accueillir
lors d’un de ses retours de Paris. Il fallait du monde de l’aéroport
au palais pour l’ovationner.
Mai 2006, la consécration : le prix Houphouët Boigny pour la recherche de la paix. « Wade-télé » devait faire son show. Avons-nous un ministre de l’Information et aussi un directeur de la RTS ? La question a de l’importance car c’est le président en personne qui est parti s’assurer que les Sénégalais des USA et du Canada pourront le voir recevoir son prix devant huit autres présidents, dans une salle comble. Beaucoup d’argent investi pour réaliser ce « rêve », nous dit-on sans préciser qui a casqué. Et les femmes du Pds des US reçurent des millions du « Tout Généreux ». Ah ! Pauvres contribuables ! Mais cela n’était qu’un hors d’œuvre. Le plat de résistance eut lieu à Paris. Des députés, des ministres, des militants, des sympathisants embarqués, tous les bouffons du roi étaient présents, et des centaines de millions dépensés. Plus de cent officiels percevant chacun, environ 150 000 francs Cfa par jour. (Quand je pense que plus de 60% des familles sénégalaises survivent avec moins que ça par mois…) Et certains y ont passé huit jours, pour assister au méga meeting du « rassembleur » au Palais des Congrès. Des centaines de passeports de service et diplomatiques ont été délivrés.
Cette année, au lieu de rendre hommage à Wade à Sorano,
on a emmené Sorano au siège de l’UNESCO à Paris.
« Le Sénégal au bord de la Seine. » Le ministre
de la Culture a longuement chanté les louanges du président
avant de féliciter la princesse, Sindiély Wade, celle qui, le
16 mai, est allée provoquer les manifestants, sous prétexte
qu’elle devait prendre sa voiture, pour ensuite les traiter d’idiots.
- Tout membre du gouvernement ou proche de Wade qui aurait pris ce risque
serait hué, à plus forte raison sa fille et conseillère.
C’était de la provocation pure et simple ou alors mademoiselle
voulait que l’on parle d’elle. - Maman Viviane doit être
fière de ses enfants qui « travaillent si bien », même
si le sommet de l’OCI n’est pas prêt de se tenir malgré
tous les milliards que brasse Karim, le prince sorti de nulle part. Mais Youssou
Ndour qui était le moteur de la soirée du 30 septembre 2004
à Sorano pour, selon certains observateurs, entrer dans les grâces
de Wade, puis s’est brouillé avec le fils du chef, n’a
pas fait partie des invités. On ne badine pas avec la famille royale
même lorsque l’on est le roi du Mbalax.
« Tukki, télé, Touba. » Sa majesté a réuni
les trois avec son prix Boigny : voyage à Paris, Rts partout, les talibés
de Béthio Thioune dans son sillage. Vive son excellence ! A bas le
peuple !
Nous étions contents que le Magal de Touba 2006 eût lieu le 19
mars et avions remercié Dieu de nous avoir ainsi épargné
des gaspillages d’une célébration de l’anniversaire
de l’alternance. C’était sans prévoir que Wade allait
se rattraper le 4 avril en invitant cinq chefs d’États et leurs
délégations. Aux frais de qui ? Et dire qu’il y a quelques
années de cela la fête de l’indépendance se faisait
dans l’austérité pour éviter des dépenses
inutiles au pauvre Sénégal.
Pendant ce temps, les familles des victimes du Joola se plaignent, de n’être
pas pris en charge, d’autres n’ont ni électricité
ni eau potable, (la liste est longue.) Mais, comme pour se moquer du peuple,
Wade, le « généreux », déclare qu’il
va offrir les 80 millions de son prix à la Case des tout-petits. Les
Chirac et autres ont dû rire sous cape en pensant aux centaines de millions
gaspillés pour l’ego de « Ramses II ».
Imaginez donc ce qui se passerait si Wade recevait le prix Nobel.
Si Macky Sall ne veut pas être éjecté de son fauteuil,
il a intérêt à lui réserver, jeudi prochain, un
accueil digne du Guinness des Records des gaspillages de deniers publics.
Il faudra payer des dizaines de milliers de citoyens pour applaudir, ovationner,
crier et de danser au passage du « King ».
Je me demande pourquoi l’opposition et la société civile
n’expliquent pas au peuple que cet argent est sien et qu’il peut
demander des comptes sur son utilisation.
Bathie Ngoye Thiam