(Wal Fadjri, 14 décembre 2005)
Je crois qu’entre nous, nous devons nous dire certaines vérités.
La polygamie africaine existe bel et bien en Europe. Et je vous dis que ce
n’est pas toujours rose. Etant musulman, je reconnais la légalité
de la polygamie, mais crois qu’on devrait l’éviter dans
certaines situations. Il ne suffit pas de faire bouillir la marmite.
Suite aux émeutes, voitures brûlées et autres, on a reparlé
de ces Africains à plusieurs femmes en France. Mais on peut se demander
pourquoi le gouvernement a attendu si longtemps pour ressortir ce «
dossier », lui qui avait permis le regroupement familial, laissant les
gens amener leurs épouses tout en sachant, qu’ils n’auraient
pas des villas de luxe avec vingt-cinq pièces. Il y a de l’hypocrisie
dans l’air.
Mais les parents sont aussi responsables et doivent revoir certains de leurs
comportements. Comme disent les politiques, « il faut s’intégrer
si on veut vivre ici. » Mais c’est à nous de le comprendre
autrement, dans le sens qui nous convient. S’intégrer ne signifie
pas se « toubabiser » et encore moins se laisser piétiner.
C’est voir la réalité en face. Connaître ses droits
et ses devoirs, savoir comment fonctionne ce système pour y trouver
sa place, sans pour autant perdre ses valeurs, sa culture.
Nous venons ici pour chercher de l’argent, et souvent nous y restons
pour y construire notre vie sans nous en rendre compte. On y devient mère,
puis grand-mère, ou père puis grand-père. Mais malgré
le stress du boulot, les taxes et autres désagréments, il y
a des valeurs que l’on ne doit pas oublier. Et c’est à
nous de les inculquer à nos enfants dont certains ne vivent pas dans
la réalité parce que perdus entre deux cultures. Ils sont victimes
de notre émigration et surtout d’une société qui
les voit comme des êtres à part. Il y en a certes qui réussissent,
mais si le problème est devenu si préoccupant, c’est parce
qu’il y a en un grand nombre pour qui ça tourne mal. Livrés
souvent à eux-même, les parents débordés et l’État
n’ayant que faire d’eux, ils se sentent victimes, à tort
ou à raison. Ils voient alors leurs droits et pas toujours leurs devoirs.
Ils réclament le plus souvent des droits sans faire le minimum qu’une
société attend d’eux. Comment prétendre à
un bon emploi quand on quitte les bancs à seize ans, âge à
laquelle l’école n’est plus obligatoire ? Pendant ce temps,
d’autres font tout ce qu’il faut, mais n’avancent pas d’un
pas. L’argent dit facile devient alors la seule issue…
« En Europe, nous dit-on, la société aide. Avez-vous vu
en Afrique des états vous donner de l’argent pour élever
vos enfants ? » Ce qui est vrai, mais ne nous empêche pas de voir
que beaucoup de nos enfants seront plus tard recalés, quoi qu’ils
fassent, uniquement parce qu’ils ne sont pas de bon teint.
Les familles polygames ne sont qu’une minorité dans ce fléau,
mais je comprends qu’elles soient pointées du doigt. Il arrive
qu’un homme habite avec deux ou trois femmes et dix-sept enfants dans
un F5. Des femmes qui vivent mal et des enfants qui utilisent les escaliers
ou le hall de l’immeuble comme salon. A qui la faute ? Parfois il n’y
a qu’un rideau pour séparer les « chambres » des
femmes. Mais est-ce qu’un rideau est assez épais pour laisser
dormir sereinement les autres épouses ? Il n’y a plus d’intimité
entre mari et femme.
L’homme mène alors sa vie de pacha, pendant que les femmes acceptent
la situation sans se plaindre. Elles doivent partager le même toit,
les mêmes toilettes, la même salle de bains, en se marchant dessus
tout le temps… Les femmes qui ont vécu en Europe savent qu’une
salle de bains est un espace intime qui, si elle doit être partagée
avec une coépouse peut s’avérer abominable.
Peut-on être polygame dans ces conditions ?
Bathie Ngoye Thiam.