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AU SECOURS, PHARAON EST DE RETOUR !

(Wal Fadjri, 08 novembre 2005)

Du jamais vu ! 20 millions de francs pour accueillir le roi qui rentre de voyage.
Il ne s'agit ni de César ni de Ramsès II, mais du président sénégalais, maître Abdoulaye Wade. Comme si cela ne suffisait pas de célébrer l'anniversaire de son accession au pourvoir, il faut maintenant dépenser des dizaines de millions de nos francs pour le voir rentrer d'un de ses innombrables voyages. A-t-il remporté la coupe du monde du plus grand voyageur ? A-t-il, dans ses valises, ramené du travail pour les chômeurs, du pain pour ceux ont faim, un toit pour les sans logis, du matériel pour nos hôpitaux mouroirs ou que sais-je encore ? Qu'est-ce que ce voyage a de si spécial, si ce n'est celui qui depuis le début de son magistère a le plus soulevé de questions et charrié le plus de rumeurs ? On ne voit que lui à la télé, n'est-ce pas suffisant ? A croire que non. En plus, il faudra désormais supporter ces bains de foule aussi spontanés que l'enthousiasme d'un guillotiné sur l'échafaud.
Brûler 20 millions en quelques heures pour faire croire à un vieillard qu'il est adoré ! Je n'ose croire que ce soit la raison de ce gaspillage et de cette perte de temps. Le Sénégal est un des pays où il y a le plus de jours fériés, mais de là à fêter les retours d'un président qui a la bougeotte... Ciel ! Nous ne sommes pas sortis de l'auberge.
J'imagine que pour vous, monsieur Farba, ô combien « hors du commun » (jamais surnom ne fut aussi bien porté), cette somme ne signifie pas grand-chose, mais nos concitoyens fatigués s'en seraient bien servis pour régler les problèmes vitaux auxquels ils sont confrontés. Si vous tenez à continuer dans cette lancée, je vous conseille d'aller jusqu'au bout. Une file humaine de l'aéroport au palais, c'est pas mal, mais franchement, vous pouvez mieux faire. La prochaine fois que Wade ira rendre visite à son marabout, déboursez quelques milliards et vous aurez du monde, du palais de la République à la demeure de Serigne Saliou. Et si vous voulez une foule en liesse, donnez ces 20 millions aux habitants d'un de nos pauvres villages, ils danseront et chanteront pendant une semaine à la gloire de Buur Saalum. J'ai d'autres idées à vous proposer, mais il faudra payer pour les recevoir, car moi aussi je veux ma part du « tong-tong ».
Trêve de plaisanteries !!! Peut-on vraiment, avec de l'argent, acheter l'amour, l'admiration et la reconnaissance d'un peuple ?
Les rues sénégalaises étaient noires de monde le 20 mars 2000, noires de monde après les victoires des lions du foot, des gens motivés par une joie sincère, entière, désintéressée. Nul n'a eu besoin de remplir des « ndiaga ndiaye » entiers, de distribuer à tour de bras des tee-shirts, des « Seugn Bass » à des laudateurs de circonstance, de dépenser des sommes faramineuses. Cet accueil plus que particulier, par contre, semble prouver si besoin en était que ce régime est en mal de popularité. Reconnaissons-le.
Mais si vous et les vôtres désiraient faire plaisir au roi par crainte d'un prochain remaniement, je ne pourrais, hélas pas vous être d'une grande utilité. Votre salut réside sans doute dans la prise en compte et la résolution des milliers de problèmes qui, il y a 5 ans, étaient encore les vôtres et qui empêchent aujourd'hui encore des millions de Sénégalais de dormir du sommeil du juste.
Wade cependant dit qu'il nous a ramené beaucoup de travail et beaucoup de projets dont nous n'avons jamais entendu parler. Attendons donc. Qui vivra verra, dans deux ans.
Mais pour paraphraser le chanteur Tiken Jah Fakoli, rien ne m'enlève de l'idée que « Mon pays va mal. »
Trop, c'est trop. De grâce, arrêtez !

Bathie Ngoye Thiam


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