(Wal Fadjri, 14 mai 2005)
Beaucoup d’entre nous se souviennent avoir entendu notre cher et vénérable
Buur Saalum, son excellence Maître Abdoulaye Wade, président
de tous les Sénégalais, promettre à travers les ondes
de Radio Tamtam, des maisons à 4 millions de francs aux Sénégalais
de l’extérieur. Moi, j’ai réussi à rassembler
cette somme et attends patiemment, croyant fermement que j’aurai bientôt
une villa avec piscine au bord de la mer.
Son Excellence, dans sa générosité infinie, aurait aussi
promis de l’argent aux Sénégalaises de New York. Et les
mauvaises langues de dire qu’il ferait mieux de donner cet argent aux
Sénégalaises de Ndangalma ou de Keur Saer ou aux Sénégalaises
du Sénégal qui rêvent d’aller à New York,
mais n’en ont pas les moyens. Ils vont même jusqu’à
prétendre que ce ne sont que des promesses dans le vent. «Combien
de fois, m’a dit l’un d’eux, nous a-t-on annoncé
l’arrivée imminente d’un bateau pour remplacer le Joola
?» Et il se met à parler de tous ces grands projets qui, selon
lui, ne verront jamais le jour. Cela me fait de la peine de voir qu’il
y a des concitoyens qui osent douter de la parole de notre guide éclairé.
L’autre jour, j’ai boxé quelqu’un qui soutenait que
Gorgui n’est qu’un vieillard gâteux qui délire et
prend ses rêves pour des réalités. J’étais
en train de lui expliquer qu’il confondait un visionnaire et un rêveur
quand, brusquement, il me sortit cette phrase : « Il est devenu comme
Bourguiba à la fin de son règne. » Alors là, ce
fut un direct à la mâchoire. Je peux admettre qu’il y ait
des opposants, mais je ne leur permets pas de dire du mal de notre président.
Et pour ce qui est des projets, je leur réponds qu’on n’est
pas encore en 2007, et que seuls les incrédules ne croient pas aux
miracles.
Le pire est celui-là qui, sous l’anonymat, m’a envoyé
une cassette vidéo du film « Le dernier empereur » où
un enfant de trois ans est intronisé. Il y a joint une lettre dont
voici un extrait : «Un vieillard est comme un enfant. Il ne se rend
pas compte de la réalité. Il ne pense qu’à sa personne,
aime qu’on lui accorde de l’attention et raffole de compliments.
Quand vous lui donnez le pouvoir, seuls ses griots en profitent. Et la cour
est toujours là pour lui faire croire que tout ce qu’il dit ou
fait est génial. Et quand un vieillard s’accroche au pouvoir,
c’est la catastrophe… » J’ai soigneusement gardé
l’enveloppe que je remettrai à nos services secrets qui relèveront
ses empreintes digitales et ne tarderont pas à mettre la main sur lui.
Et puis, je lui signale que Wade ne s’accroche pas au pouvoir. Le seul
problème, c’est qu’il ne trouve pas, dans les dix millions
de Sénégalais, quelqu’un capable de le remplacer. Pas
même dans son propre parti, donc l’opposition, n’en parlons
pas. Mais il voudrait bien se retirer et se contenter de donner des conseils
à son successeur pour lui apprendre comment diriger un grand pays comme
le nôtre. Par ailleurs, c’est le Sénégal qui aime
Wade et le veut au pouvoir. Qui n’a pas vu la foule qui célébrait
l’anniversaire de l’alternance, et celle qui était à
Mbacké ? Moi, en tout cas, j’ai quatre millions dans ma tirelire
et j’attends ma maison.
Bathie Ngoye Thiam