(Wal Fadjri, 05 octobre 2004)
Quel beau rêve que de voir nos enfants apprendre l’anglais dès
l’élémentaire, en même temps que nos langues nationales,
sans négliger le français et l’arabe ! Décidément
nos autorités ne sont pas en manque d’imagination. On voit bien
que le Sénégal se veut prêt pour la mondialisation, pour
ne pas dire « l’américanisation ».
Jusqu’ici, on apprenait l’anglais à partir du secondaire,
et cela se passait bien. Pourquoi donc un « remaniement » ?
Nos enfants ont déjà bien du mal à assimiler cette langue
étrangère qu’est le français. Pourquoi vouloir
leur en rajouter une deuxième, voire une troisième, en plus
des programmes scolaires péniblement bouclés ? Va-t-on augmenter
les heures de cours ou rallonger les jours de la semaine ?
Certes, beaucoup d’élèves ont des difficultés à
l’école à cause du français. On ne peut donc que
saluer l’initiative de faire entrer nos langues dans les salles de classe,
une très bonne idée qui ne date pas d’hier.
Il y a de plus en plus de foyers où les parents s’adressent en
français à leurs enfants, pour les aider à maîtriser
cette langue, souvent au détriment des nôtres. On peut les comprendre,
sachant que la réussite scolaire en dépend.
L’enfant qui ne comprend pas le français ne peut pas résoudre
un problème de calcul, ne sachant pas ce qu’on lui demande de
trouver. L’aurait-on formulé dans sa langue maternelle, il aurait
plus de chance. Nul n’en disconvient. Mais comment s’y prendre
? Obligera-t-on tous les enfants à apprendre une seule et même
langue nationale ou fera-t-on des écoles pour les Wolofs, des écoles
pour les Diolas, des écoles pour les Sérères, et ainsi
de suite, sans oublier les enfants de nos Chinois ? Et s’il n’y
a, par exemple, qu’un seul Peul dans une salle de classe, lui donnera-t-on
des cours particuliers dans sa langue maternelle ? Et puis, qui donnera ces
cours ? Fera-t-on auparavant retourner les enseignants sur les bancs pour
les initier à la grammaire, l’écriture et la lecture de
nos langues, et l’anglais aussi ? Mais il est dit qu’en bas âge,
on peut apprendre plusieurs langues en même temps, ce qui laisse de
la place à l’allemand, l’espagnol et le zoulou, pendant
qu’on y est. Par ailleurs, comment rendre l’école obligatoire
de 3 à 16 ans, comme ça, du jour au lendemain, sans y préparer
les populations ?
Tout en reconnaissant que les ambitions sont louables, on aimerait savoir
comment le ministère de l’Education compte s’y prendre,
car il y aura sûrement du pain sur la planche. C’est bien beau
de rêver, mais...
Les parents, eux, ont un autre rêve : voir leurs enfants recevoir gratuitement
les fournitures scolaires promises par l’Etat. Chose promise, ...
Bathie Ngoye Thiam.