(Wal Fadjri, 23 septembre 2004)
M. Dutroux est sans doute le prisonnier le plus célèbre de
la Belgique où il naquit en 1956. Ce trafiquant d’enfants n’arrête
pas de défrayer la chronique. Il avait aménagé, dans
la cave de sa maison, des caches où il logeait les enfants qu’il
envoyait ensuite à l’étranger. Ce commerce lui aurait
rapporté près de 2 millions 500 mille francs CFA par tête.
Il violait les filles et les filmait, organisait des partouzes et infligeait
aux victimes des tortures corporelles entraînant parfois la mort. Il
fut arrêté le 13 août 1996. Dans sa cave, étaient
séquestrées Sabina (12 ans) et Laetitia (14 ans). Les corps
de Julie et Melissa (8 ans) furent retrouvés dans son jardin, d’autres
corps d’enfants chez ses complices..
Et s’il y avait des Marc Dutroux au Sénégal ?
De tout temps, des enfants ont été perdus dans nos villes, puis
retrouvés et rendus à leurs parents. On entend souvent des annonces
à la radio du style « un enfant qui s’appelle … ou
une personne « dont le corps n’est pas agréable »,
c’est-à-dire ne jouissant pas de toutes ses facultés mentales,
a quitté son domicile depuis… Il portait une chemise de telle
couleur…» Les retrouve-t-on toujours ? Voilà la question.
En Europe, quand un enfant disparaît, les gendarmes et la population
se mettent immédiatement à sa recherche. Des battues sont organisées.
Les médias ne sont pas en reste. Chez nous qui nous targuons d’avoir
l’esprit communautaire, on se contente d’une annonce à
la radio qui passe presque inaperçue. Si on le retrouve tant mieux
sinon tant pis.
Dans notre chapelet de ministères, y en a-t-il un qui se préoccupe
du sort de ces enfants ? Fait-on des enquêtes pour savoir s’ils
sont retrouvés ? Je ne le crois pas. Après l’annonce faite
à la radio, les pauvres parents n’ont plus qu’à
prier. Mais, vu que seuls les enfants des misérables se perdent, à
quoi bon faire des recherches ? Cela fera toujours une bouche en moins pour
le maigre repas familial.
Les taalibe, parias des parias, sont les plus exposés et les plus vulnérables.
Ils peuvent disparaître comme des gouttes d’eau dans le sable.
On se souvient de ce pédophile qu’on avait surpris dans un wagon,
abusant d’un petit taalibe.
Si Marc Dutroux et sa bande étaient au Sénégal, ils se
seraient sentis comme des hyènes dans une bergerie remplie de chèvres.
Les mômes courent les rues et les autorités ne se soucient pas
de leurs disparitions. Qu’attend-on pour tirer la sonnette d’alarme
? C’est sûrement quand les enfants de nos dirigeants commenceront
à « se perdre » que des mesures seront prises. D’ici
là, les pédophiles et les voleurs d’enfants peuvent se
la couler douce.
Nul n’ignore que des enfants sont, de nos jours, « vendus »
en Afrique. Une enquête dans les plantations de coton a été
très révélatrice de cette traite de la honte qui dépasse
les limites de l’acceptable.
Le trafic d’organes fait des ravages dans certains pays. Zigouiller
un enfant et vendre son cœur, son foie, ses reins ou que sais-je encore…
Ne nous croyons pas à l’abri. Ce qui se passe ailleurs a déjà
un pied chez nous. Le Sénégal d’aujourd’hui n’est
plus celui d’hier. Les forfaits auxquels on n’osait même
pas penser, il y a quelques décennies, sont devenus monnaie courante.
Le grand banditisme est une de nos réalités. Des bandes de gangsters
se forment un peu partout. Les voyous ont des armes à feu et n’hésitent
pas à tirer. Des voleurs vont jusqu’à « investir
» les cimetières de la ville sainte de Touba. Il y a des prises
d’otages avec des demandes de rançons. Juste un pas à
franchir et nous aurons des tueurs en série. Des crimes et hold-up
se feront en plein jour. Nos enfants « perdus » ne seront que
de la marchandise. L’insécurité sera un des principaux
thèmes des campagnes électorales. Je ne le souhaite pas, mais,
« Liy raam ci ñag bi la jëm. » Qu’on y prenne
garde ! Mieux vaut prévenir que guérir.
Bathie Ngoye Thiam