(LE SOLEIL, 18 septembre 2003)
Une contribution signée de ma main et publiée dans «
Le Soleil » du lundi 25 novembre 2002, commençait par ces mots
: « A quand un ministère de l’émigration ? J’espère
que notre Idy national trouvera une réponse à ma question. »
Walfadjri avait aussi partiellement publié ce texte sous le titre «
La chasse à l’éléphant ». C’était
à l’époque de la formation du quatrième gouvernement
sous l’ère Wade. Aujourd’hui, avec le cinquième
gouvernement, il semble que nous avons enfin une réponse. Nous ne pouvons
que nous en réjouir et remercier notre Idy d’avoir tenu compte
de nos doléances. Reste à savoir ce que fera notre ministre
tant attendu.
Dans la contribution dont je viens de parler, j’avais écrit :
« Qu’on ne me dise pas que l’Afrique se porte bien ; presque
tous nos jeunes ne rêvent que de partir. Et beaucoup risquent leur vie
pour y parvenir. Vous savez, on a beau nous répéter qu’ici,
ce n’est pas l’Eldorado, le pain y est tout de même plus
abondant... C’est comme si je vidais la maison de mon voisin (esclavage,
colonisation) et que ses enfants affamés venant taper à ma porte,
je leur dise : « Retournez chez vous, je dois nourrir les miens. »
Il nous faut un ministère qui défende nos intérêts
et nous informe, sachant que beaucoup d’entre nous sont illettrés.
Certains immigrés ne savent même pas qu’ils peuvent voter
de l’étranger… »
Comment compte s’y prendre monsieur Notre Ministre ? Va-t-il rester
au Sénégal et résoudre nos problèmes ou fera-t-il
tous les pays du monde pour nous rencontrer. La question a son importance.
Ce n’est pas en s’enfermant dans un ministère à
Dakar qu’on peut gérer la situation et ce serait ridicule de
faire le tour du monde pour rencontrer des groupuscules de Sénégalais
ça et là ou aller partager les trois Abdou avec tout Sénégalais
se trouvant à l’extérieur. Monsieur le ministre, vous
avez du pain sur la planche !
Vous venez certes d’une région où il y a beaucoup d’émigrés,
mais vous savez bien que des émigrés, il y en a dans toutes
les régions. Aujourd’hui, dans chaque famille sénégalaise,
il y a un émigré, un ex-émigré ou quelqu’un
qui rêve de le devenir. On ne choisit pas un ministre selon ses origines
mais selon ses compétences. A vous de faire vos preuves.
On ne vous a pas encore entendu, mais je suppose que c’est encore trop
tôt. Il n’y a rien vous concernant sur le site officiel du gouvernement,
même pas un directeur de cabinet. Mais nous sommes patients. Ce n’est
pas le temps qui manque chez nous. Prenez le donc pour bien réfléchir.
J’en profite pour vous donner quelques sujets de réflexion.
Aidez ceux qui veulent partir à obtenir des visas en bonne et due forme
et négociez avec les pays d’accueil pour régulariser la
situation de nos compatriotes.
Créez un site Internet destiné aux Sénégalais
de l’extérieur et à leurs familles de l’intérieur.
Un site d’information et de contact. Ce serait plus commode que d’aller
visiter chaque ressortissant sénégalais. Il est grand temps
de vivre avec les moyens modernes de communication. Parfois, quelqu’un
disparaît ou décède et il n’y a aucun moyen d’informer
ses proches. Le cas inverse est tout aussi fréquent. La mère
de quelqu’un décède et nul ne peut le joindre. Pourquoi
pas un site avis de recherche ? Il s’agit de choses anodines en apparence
mais qui ont de l’importance. Même ceux qui ne savent pas lire
consulteraient ce site, surtout si on met des photos. Il y a partout des cybercafés.
Et puis consultez souvent les sites des Sénégalais de la diaspora.
Vous n’y verrez pas que des louanges, vous y trouverez nos préoccupations.
L’oiseau vole haut mais son esprit reste au nid, dit l’adage.
Facilitez-nous l’accès aux médias. Nous voulons savoir
ce qui se passe chez nous. Si nous devons payer pour écouter la chaîne
nationale, eh bien que notre ministère s’en charge !
Puisque qu’on parle tout le temps de l’argent des émigrés
qui entre dans le pays, pourquoi ne pas créer une agence qui puisse
supplanter Western Union et Money Gram ou faire comme eux ? Vous me direz
peut-être qu’on n’en a pas les moyens. Je vous signale que
ces organismes n’étaient rien, il y a de cela quelques années.
Il fallait se rendre à L’immeuble Sokhna, à Dakar, pour
retirer de l’argent et il n’y avait qu’un ou deux centres
par ville pour en envoyer. Maintenant, les Western Union poussent comme des
champignons.
Elle est bien longue, la liste des sujets de réflexion, mais ce n’est
pas à moi de les énumérer toutes. Je termine juste par
celle-ci : évitez de tomber dans des pièges du style le fameux
accord avec la Suisse que nous avions décrié avant que l’opposition
ne s’en empare. Je me souviens l’avoir évoqué dans
Walfadjri en ces termes : « Monsieur Gadio, cet accord est une grosse
erreur, pour ne pas dire une honte. Revenez-y avant qu’il ne soit trop
tard. 2007 n’est pas très loin et les électeurs tiennent
à leurs fils, filles, frères et sœurs, etc. qui, de l’extérieur,
leur envoient leurs « dépenses ».
Monsieur le ministre de l’Emigration (appelé à tort «
Ministre des Sénégalais de l’extérieur »,
comme si on disait ministre des étrangers qui visitent le Sénégal
au lieu de ministre du tourisme - n’ayons pas peur des mots, appelons
les choses par leurs noms, un chat est un chat), si votre nomination n’est
pas simplement destinée à nous leurrer pour des fins électorales,
nous attendons des résultats satisfaisants et non des déclarations
et promesses fictives auxquelles nous sommes malheureusement habitués.
Bathie Ngoye Thiam