(26 juillet 2003)
A Dakar, je vais souvent faire mes courses avec Ndéye Astou, ma nièce
âgée de neuf ans. Un jour, nous passions devant le palais présidentiel
et elle me prit par le bras :
- Tonton, qui sont ces gens ?
Je me retournai et compris qu’elle parlait des hommes en uniforme, debout
devant le portail.
- Ce sont des gardes républicains, lui répondis-je, comme ça.
- C’est quoi, un garde républicain ?
Les enfants ont l’art de poser des questions embarrassantes.
- Toute république a ses gardes.
- Pourquoi restent-ils debout toute la journée ? Notre maîtresse
nous a dit que rester trop longtemps debout n’est pas bon pour la circulation
du sang dans le corps.
- C’est leur métier.
- Est-ce un travail que de rester debout devant un portail ?
- Ce sont des gardiens.
- Les gardiens font les cent pas. Pourquoi ceux-ci ne marchent pas ?
- Je n’en sais rien.
- Sont-ils des prisonniers ?
- Mais non, Ndéye Astou, ils sont des agents, tout comme les policiers,
les gendarmes et les militaires.
- Pourquoi donc ne peuvent-ils pas marcher et parler aux gens ? Moi, j’ai
une copine de classe, son père est policier, il s’appelle Laye
Toumané. Il porte l’uniforme, mais il marche et parle. Et quand
nous le rencontrons, il nous donne même de l’argent pour acheter
des bonbons. Mais ceux-ci sont comme des robots. N’ont-ils pas chaud
avec cet accoutrement ?
- Ils ont une autre fonction, n’oublie pas que nous sommes devant le
palais présidentiel.
- Est-ce qu’une femme peut être Présidente de la République
?
- Il n’y en a pas des masses dans le monde, mais c’est possible.
- Moi, quand je serai présidente, je leur donnerai des chaises pour
s’asseoir et des uniformes en tissu légos, avec des tingadés,
ou alors je mettrai des mannequins à leur place et des caméras
partout pour surveiller le palais. Et c’est quoi, la République
? dit-elle dans une embardée enfantine, et puis, si nous sommes indépendants,
pourquoi ne jouons-nous pas notre hymne national avec des sabars et des koras
?
Si quelqu’un peut mieux que moi répondre aux questions de Ndéye
Astou, j’en serais fort soulagé.
Bathie Ngoye Thiam.