(09 juillet 2003)
Les Sénégalais se souviendront longtemps de la visite de Georges
W. Bush.
A l’aéroport Léopold Sédar Senghor, les Américains
avaient viré nos agents de sécurité, jugés sans
doute trop nuls, et avaient ridiculisé nos journalistes parqués
comme du bétail dans un enclos pour laisser les leurs faire le travail.
Ces 130 journalistes américains valaient six fois les autres du reste
du monde. Quant aux pauvres citoyens qui se croyaient libres dans leur pays,
ils n’avaient, pour une bonne part, même pas le droit de circuler.
A Gorée, ville occupée et bafouée, les chiens junkies
reniflaient nos parents. Même notre vénérable Josef Ndiaye
fut traité comme un esclave. On l’avait fouillé en public
avec toute l’humiliation requise. Pour peu on allait examiner ses dents.
Pauvre vieillard malade ! Et pauvre continent dont il est la mémoire
!
Bush mène une partie de sa campagne électorale à Gorée
pour gagner les voix des descendants des 50 millions d’esclaves africains.
Pour ce qui est de nous dont les grands-pères courraient bien ou avaient
de bonnes cachettes, il n’en a que faire. Pas d’excuses et encore
moins des compensations.
Toute vie non américaine était étouffée ce jour-là.
Même pas de marché pour s’approvisionner. Que les enfants
attendent cinq heures pour déjeuner ! Et gare à celui qui commettait
la maladresse de sortir de chez lui. Les agents américains fouillaient
même nos vaillants et prestigieux policiers. Fouillés comme des
malpropres. L’île était entre les mains de Bush et sa bande
qui se seraient à peine mieux comportés que les négriers
d’antan. Cela peut nous donner une idée de comment vivent les
peuples d’Afghanistan et d’Irak, sans parler des séquestrés
de Guantanamo. Heureusement que nous sommes dans « l’axe du bien
», et ce grâce à notre sage Président de la République,
« leader que Bush admire ». Mais quand le loup dit admirer la
chèvre, le berger doit prendre ses gardes. L’honneur de Wade
semble correspondre à la honte du peuple sénégalais.
Que voulez-vous, il n’est pas donné à tout le monde de
recevoir le roi autoproclamé de la planète, et on ne fait pas
d’omelettes sans casser d’œufs. Wade fait désormais
partie des Grands de ce monde. En bien ou en mal, nous avons le « sopi
» que nous réclamions.
J’en veux à tous ceux qui ont pensé : « On aurait
dit que c’est Dieu qui venait au Sénégal. » Cela
aurait signifié que Dieu serait seulement pour les Américains.
Dieu nous a donné la vie, Bush nous a couverts de honte.
Bathie Ngoye Thiam.