YOUSSOU NDOUR, UN BON CANDIDAT ? POURQUOI PAS ?
(Wal Fadjri, 26 janvier 2012.)
Quand le président Wade a été réélu pour un deuxième mandat, en 2007, des gens, et peut-être des djinns aussi, avaient voté pour lui parce qu’ils ne voyaient personne d’autre, aucune alternative pour aboutir au vrai changement que le peuple attend. Le pouvoir et l’opposition classique, dans l’esprit de la plupart des citoyens, ce n’est que bonnet blanc et blanc bonnet. Toujours les mêmes têtes changeant de camp selon leurs intérêts personnels. D’aucuns sont là depuis les temps de Senghor, s’accrochent par tous les moyens possibles et imaginables et ne manifestent aucune envie de lâcher prise. Qu’ont-ils fait de positif et marquant dans les fonctions qu’ils ont occupées ? Ces politiciens de métier nous gavent de promesses mirobolantes et de mots creux, prennent le pays en otage et s’enrichissent pendant que le peuple croupit de plus en plus dans la misère.
Si le Sénégal était bien gouverné ou si l’opposition était digne de ce nom, des citoyens comme Youssou Ndour n’auraient jamais pensé à déposer leurs candidatures.
La langue française.
Selon l’article 28 de la Constitution sénégalaise, le président de la République doit savoir parler, lire et écrire couramment la langue française. Cela signifie que plus de 50% des Sénégalais de souche n’ont pas le droit de diriger leur pays parce qu’ils ont d’autres langues maternelles et n’ont pas de diplômes délivrés par l’école que nous a laissée le colon qui confiait des responsabilités à ceux qui comprenaient mieux sa langue pour mieux exécuter ses ordres. Même certains arabophones, qui ont pourtant des diplômes universitaires, ne peuvent pas se présenter. Par contre, n’importe quel Français qui prend la nationalité sénégalaise peut être candidat. N’est-ce pas absurde et ridicule ? N’est-il pas temps de revoir notre Constitution pour l’adapter à notre société ? Aurait-on dit que le candidat doit parler couramment au moins une de nos langues nationales, c’eut été plus raisonnable. Et c’est quoi « écrire correctement la langue française » ? Nous faisons tous des fautes de français. Même Victor Hugo en faisait. Réunissez tous les membres du gouvernement, y compris le Prince qui a « tété le français », pour une dictée « bu saf sápp ». Y aurait-il un « zéro faute » ? J’en doute sérieusement.
On dit que Youssou ne parle pas couramment le français, or des journalistes français l’interviewent dans leur langue maternelle et comprennent parfaitement ce qu’il dit. Les Sénégalais aussi le comprennent. Que demande le peuple ? Il s’exprime en français mieux que certains étudiants actuels et se débrouille très bien en anglais. Par ailleurs, il ne se présente pas pour être président de la Francophonie, mais du Sénégal. A-t-on besoin de maîtriser la langue du « Tubaab » pour s’adresser aux siens, pour comprendre leurs maux et, avec eux, y apporter des remèdes ?
Expérience politique.
« Pour pratiquer l’État, il faut le connaître », a dit le Premier ministre. A l’heure actuelle, il ne s’agit pas de connaître l’Etat, mais de secourir les populations qui n’en peuvent plus. Pendant que nos dirigeants, qui « connaissent l’Etat », dilapident notre argent ou vont le placer ailleurs, Youssou apparait comme quelqu’un qui va à l’étranger pour gagner de l’argent, à la sueur de son front, et venir l’investir dans son pays. Ils sont innombrables, les jeunes Sénégalais qui rêvent ou tentent de devenir comme lui qui a connu les mêmes galères qu’eux et s’en est pourtant bien sorti.
Répondant à une question du journaliste Alassane Seck Guèye sur les chances et limites de Youssou Ndour, dans une interview parue dans « Le Témoin » N°1067 de la semaine du mercredi 11 janvier au mardi 17, je disais que « Si son message est perçu et compris par les populations, il a de fortes chances d’être le quatrième président du Sénégal. Mais pour certains, ce n’est qu’un chanteur, le chanteur étant traditionnellement, et encore à leurs yeux, celui qui doit divertir, mais pas celui qui dirige. Il y a aussi le mythe du diplôme. S’il fallait voter pour qu’il lance le groupe Futurs Médias, on aurait sans doute dit que quelqu’un qui n’a pas usé beaucoup de culottes sur les bancs de l’école, ne peut pas être le patron d’un tel groupe de presse car ce n’est pas son domaine.
Aujourd’hui, les résultats sont là. Nous avons le chef d’Etat le plus diplômé du Cap au Caire. En quoi cela a-t-il atténué les souffrances des populations ? Youssou a des qualités de dirigeant. Son langage est franc, simple et direct. Il connait son pays, aime son pays et l’a montré par des actes. Il ne pense pas seul et n’agit pas seul. Il a su bien s’entourer dans tout ce qu’il a fait jusqu’ici, mettant celui qu’il faut à la place qu’il faut, et a connu plus de réussites que d’échecs. Ses compétences sont avérées. Oui, diriger un pays n’est pas diriger une entreprise, mais hier, on disait que diriger un groupe de presse n’est pas diriger un orchestre. »
Il y a certes des compatriotes qui sont perçus comme plus compétents que Youssou Ndour et qui peuvent aussi apporter le changement tant attendu, mais ils n’ont pas le même aura et le même nombre de voix probables ou n’ont pas, comme la plupart des honnêtes Sénégalais, 65 millions de francs pour jouer à la loterie. Leurs chances sont minces.
Dire à Youssou Ndour de « retirer sa candidature, pour le bien et l’intérêt de la culture » ? Non. Au contraire, la culture sera propulsée vers l’avant. Depuis le départ du poète président, la culture est en chute libre dans ce pays. C’est l’artiste, Youssou Ndour, qui souffrira d’avoir abandonné son art. Un immense sacrifice. Mais bon, on a vu le grand Mandela danser et Barack Obama chanter lors d’un discours. Pourquoi le roi du Mbalax devrait-il s’en priver ? Une petite chanson de temps en temps, a capella ou avec orchestre, fera mieux passer certains messages et les fans apprécieront.
Questions troublantes.
Notre star internationale semble convaincue qu’il n’a pas d’ennemis, mais certaines rumeurs risquent de lui porter préjudice s’il n’y met pas fin à temps. « Saytaane waxul dëgg, waaye yáq na xel. » Il est blâmable de colporter des rumeurs, mais il y a des questions qui sèment le doute et, pour cette raison, on ne doit pas les occulter, l’enjeu étant de taille.
Pourquoi certains proches de Youssou Ndour, comme ses sœurs Aby, Seynabou et Marie, d’après la presse, et son « jumeau » Mbaye Dièye Faye, son compagnon de toujours, lui tournent le dos pour soutenir d’autres candidats ? Démocratie, démocratie, « mbaadu… ? »
Des rumeurs prétendent que l’artiste serait membre d’une puissante secte satanique, celle des « illuminatis ». On sait qu’il est en contact avec des gens comme Peter Gabriel dont l’appartenance à ce groupe serait un secret de polichinelle et il y aurait, dans un ou plusieurs de ses clips, des symboles qui s’apparentent à ceux des « illuminatis ». Mais est-ce que cela fait de lui un disciple de Satan ? Qu’en est-il au juste ?
En 2006, je crois, Karim Wade avait déclaré que Youssou Ndour lui en voulait de ne pas avoir intercédé auprès de son père pour que 300 millions de nos francs lui soient accordés. Et aujourd’hui, on raconte que le fils du président de la République détiendrait une vidéo dans laquelle on voit celui qui chantait « Xaalis neex na, xam naa ci dara… » sortir du palais de la République avec des liasses de billets de banque. D’autres accusent Youssou Ndour d’escroquerie, d’abus de biens sociaux et même de trafic de visas. Il aurait aussi, dit-on, « détourné l’argent de Benetton (1, 3 million d'euros soit près d'un milliard de francs CFA) destiné à financer des microprojets au Sénégal et aurait également quémandé auprès du président Wade, l’argent du contribuable sénégalais à des fins personnelles : le financement d’un concert (privé) au Palais des Congrès de Bercy. » Mais aucune preuve n’est fournie. Pour en savoir plus : http://www.thiesvision.com/Il-etait-une-fois-Souleymane-Jules-Diop-Youssou-Ndour-Wade-et-Benetton_a3209.html.
En souhaitant bonne chance aux « Lions » de la Teraanga, pour la Can 2012, celui qui déclare que seuls Serigne Fallou Mbacké et Serigne Babacar Sy ont peut-être plus d’homonymes que lui, et qui se voit déjà au sommet de la pyramide, leur dit, entre autres : « Le peuple compte sur vous, moi aussi. » Ce « moi aussi » n’est-il pas de trop ? Avons-nous affaire à un autre maître du « je » ?
Le candidat qui attire l’attention du monde tout entier a intérêt à nous éclairer sur ces points avant de briguer le suffrage des Sénégalais. Après… Bonne chance à notre You national !
Bathie Ngoye Thiam.