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MOURIDISME : DE L’ENSEIGNEMENT DE SERIGNE TOUBA A CELUI DES INNOVATEURS. (IV)

(Wal Fadjri, 06 septembre 2010.)

Serigne Touba a passé sa vie à imiter le Prophète et à chanter ses louanges, toujours enclin à le servir. Donc, quand on entend un marabout mouride (Cheikh Béthio) dire que Serigne Touba est au-dessus du Prophète, c’est normal qu’on ne sache plus à quel saint se vouer, et c’est bien le cas de le dire. Mais le savant thiantakoune, Serigne Saliou Samb, explique que le Prophète n’a atteint la perfection que quand il est « descendu » en tant que Serigne Touba.
On s’y perd néanmoins car Cheikh Béthio est Serigne Saliou et en même temps son esclave. Il serait aussi Khizr ou Al-Khidr, Khidar, Khoudar, Khizar, cette créature qui apparaît aux prophètes et aux saints pour leur donner des leçons. Serigne Saliou est Serigne Touba et en même temps son fils et disciple. Il est aussi Dieu. Serigne Touba est le prophète Muhammad et en même temps son serviteur et il est aussi Allah qui avait envoyé Muhammad (Psl), puis a décidé de descendre Lui-même sur terre. Doit-on comprendre que Cheikh Béthio, Serigne Saliou, Serigne Touba, Khizr, Muhammad (Psl) et Allah sont un seul et même être, mais sont esclaves et serviteurs les uns des autres ? Et où sont classés les autres saints et les prophètes comme Adam, Noé, Ibrahim, Youssouf, Moussa, Issa… ?
A ceux qui croient que Jésus, cet illustre messager né d’une vierge purifiée et élue au-dessus des femmes des mondes (3 : 42), est Dieu ou le fils de Dieu, Allah S’adresse en ces termes : « Ô gens du Livre, n'exagérez pas dans votre religion, et ne dites de Dieu que la vérité. Le Christ Jésus, fils de Marie, n'est jamais qu'un messager de Dieu, Sa parole qu'Il jeta vers Marie, un Esprit de Sa part. (…) Jamais le Christ ne dédaignera d'être Esclave à Dieu, et non plus les anges rapprochés » (4 :171). « Ils ont pris leurs docteurs et leurs moines, tout comme le Christ, fils de Marie, pour des Seigneurs en dehors de Dieu, alors qu'on ne leur a commandé que d'adorer un Dieu unique. Pas d'autre Dieu que Lui. Pureté à Lui de ce qu'ils associent » (9 : 31). « Et quand Dieu dira : « Ô Jésus, fils de Marie, est-ce toi qui as dit aux gens : « Prenez-moi, ainsi que ma mère, pour deux divinités en dehors de Dieu ? », il dira : « Pureté à Toi ! Qu'aurais-je à dire ce à quoi je n'ai pas droit ? Si je l'avais dit, alors Tu l'aurais su, certes. Tu sais ce qu'il y a en moi, et je ne sais pas ce qu'il y a en Toi. Tu es en vérité, le grand connaisseur des invisibles. Je ne leur ai dit que ce Tu m'avais commandé, (à savoir) : « Adorez Dieu, mon Seigneur et votre Seigneur... » (5 : 116-117). Pourtant, Jésus a fait voir des aveugles, fait marcher des paralytiques, a ressuscité des morts et a créé des formes d’oiseau en argile et les a transformés en vrais oiseaux. Déjà au berceau, il parlait aux hommes…
L’Unité de Dieu est le premier pilier de l’Islam. Qui ne l’accepte pas, n’est pas de cette religion. « Il ne conviendrait pas à un être humain à qui Allah a donné le Livre, la Compréhension et la Prophétie, de dire ensuite aux gens : « Soyez mes adorateurs, à l’exclusion d’Allah ; mais au contraire, (il devra dire) : « Devenez des savants, obéissant au Seigneur, puisque vous enseignez le Livre et vous l’étudiez » (3 : 79). Que ce soit dans le « saayir » ou dans le « baatin », Allah ne permet et ne pardonne à personne de Lui associer quoi que ce soit. « Certes, Allah ne pardonne pas qu'on Lui donne des associés. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Quiconque donne des associés à Allah s'égare, très loin dans l'égarement » (4 : 116). « L’association est plus grave que le meurtre » (2 : 191). C’est la faute majeure, définie comme l'acte d'adorer conjointement avec Dieu quelqu'un ou quelque chose d'autre : pierre, arbre, statue, prophète, ange, astre, cheikh… C'est une faute impardonnable.  « …Quiconque associe à Allah (d’autres divinités) Allah lui interdit le Paradis ; et son refuge sera le Feu. Et pour les injustes, pas de secoureurs ! » (5 : 72) « Parmi les hommes, il en est qui prennent, en dehors d’Allah, des égaux à Lui, en les aimant comme on aime Allah. Or les croyants sont les plus ardents en l'amour d'Allah. Quand les injustes verront le châtiment, ils sauront que la force tout entière est à Allah et qu'Allah est dur en châtiment !...» (2 : 165) Le peuple de Loth fut anéanti, or pour Allah, le Shirk (Associationnisme) est pire que l’homosexualité. « Et craignez une calamité qui n’affligera pas exclusivement les injustes d’entre vous. Et sachez qu’Allah est dur en punition. » (8 : 25) « Dis : Je n'invoque que Mon Seigneur et ne Lui associe personne » (72 : 20).
« Dis : « Nous suivons la religion d’Abraham, le modèle même de la droiture et qui ne fut point parmi les Associateurs » (2 : 135). « On ne leur avait pourtant ordonné que d’adorer Dieu, de Lui consacrer à Lui seul toute dévotion, d'accomplir la prière et de donner l’aumône légale. Et voilà la religion de droiture » (98 : 5). Abou Hourayra rapporte : « J'ai entendu le Messager de Dieu (Psl) dire : « Dieu le Très-Haut a dit : « Je suis l'associé qui se passe le plus des associés. Celui qui fait une action par laquelle il vise autre que Moi, Je le laisse avec son associationnisme. »
Bilal ibn Rabah ou Bilal Al-Habashi, compagnon du prophète Muhammad (Psl), premier Noir musulman, premier muezzin de l’Islam, quand on le torturait sous un soleil brûlant, enfoui dans du sable chaud ou la pierre surchauffé sur son corps, criait obstinément : « Ahad ! » (L'Unique !) Il fut le seul des compagnons du Prophète (Psl) à être entré avec lui dans la Kaaba pour la débarrasser des idoles qui s’y trouvaient. Là-bas, comme à la mosquée de Médine, on entendait sa voix : « Dieu est le plus grand ! Dieu est le plus grand ! Je témoigne qu’il n’y a pas de divinités sauf Dieu ! Je témoigne qu’il n’y a pas de divinités sauf Dieu ! …»
Serigne Saliou n’a jamais dit qu’il est Dieu, mais les thiantakouunes ont décidé qu’il l’est. Nous avons entendu Cheikh Béthio expliquer : « Serigne Saliou m’a dit : « Ce que j’ai mis en toi, il n’y a que Dieu qui le sait. » C’est ce jour-là que j’ai su, pour la première fois, qu’il est Dieu car ce qu’il a mis en moi, il n’y a que lui qui le sait. »
Et ces mariages scellés avec sept « Barke Sëriñ Saaliw » suivis d’un « Barke doomi Sëriñ Saaliw », sont-ils valables ou pas ? Les avis sont partagés. En tout cas, c’est du jamais vu dans l’Islam. Le Prophète (Psl) disait : « Le meilleur discours est le Livre de Dieu, la meilleure direction est celle de Muhammad et les pires des choses sont les créations nouvelles. Toute création nouvelle est une innovation et toute innovation est source d'égarement. » Le Seigneur nous a dit : « Aujourd'hui, J'ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J'agrée l'Islam comme religion pour vous » (5 : 3). Y a-t-il quelque chose à rajouter ou à retrancher ?
Dans tout cela, on se demande où sont nos autres guides religieux ? S’ils y croient, qu’ils le disent. S’ils n’y croient pas, qu’ils expriment au moins leur suspicion. Le « mándu » a des limites. Ce qui étonne surtout, c’est le silence des fils de Serigne Saliou. Sont-ils flattés d’entendre des gens dire que leur papa est Allah, ou sont-ils dépassés par les « secrets » que révèlent Cheikh Béthio et ses « taalibe » ? Rappelons que Serigne Modou Bousso Dieng, actuel président du collectif des jeunes chefs religieux du Sénégal, n’avait pas donné sa langue au chat et n’avait pas mâché ses mots en déclarant : « Cheikh Béthio est un mal qu’on doit extirper du mouridisme. Il parle trop et il est ignorant ; c’est pourquoi il cause tous ces dégâts. »

Le mouridisme aujourd’hui.
Au Sénégal, quiconque a des liens de parenté avec un marabout, est automatiquement marabout, donc un saint. Est-ce une grâce pour l’humanité, la taverne d’Ali Baba ou la poule aux œufs d’or ? L’Islam peut-il être une affaire de famille ? Que devons-nous penser quand nous voyons des petits-fils de Serigne Touba se disputer pour des biens de ce bas-monde, et s’accuser de tous les péchés d’Israël ? Devons-nous continuer à les prendre pour des guides qui nous mèneront à proximité d’Allah ? Le principal message de bon nombre de marabouts à leurs disciples est devenu : « Venez nous donner votre argent. » S’ils ne dépendaient pas des « taalibe » pour subvenir à leurs besoins de plus en plus luxueux, il serait plus facile de les croire quand ils déclarent n’être là que nous sauver. Serigne Touba a dit : « Nul n’a jamais consommé une meilleure nourriture que celle qu’il a gagnée par le travail de ses mains. »
Allah nous recommande de beaucoup mentionner Son nom, mais il y en a parmi nous qui ne mentionnent pratiquement que leur marabout. Quand ils jurent, c’est au nom de leur marabout. Quand ils adressent des remerciements, c’est à leur marabout. « Jërëjëf, Sëriñ diw ! » C’est seulement quand un malheur arrive qu’ils disent que c’est Dieu qui en est l’auteur (Ndogalu Yálla). Ils ne disent jamais « Ndogalu Sëñ sangam », comme si le bien venait des marabouts, et le mal d’Allah.
Si chaque marabout mouride se dit représentant de Serigne Touba sans baser sa conduite sur l’enseignement de ce dernier, le mouridisme plongera dans la confusion totale. Il parait qu’il y en a un qui a décrété licite de s’amuser le week-end et de servir Allah le reste de la semaine. Or notre maître a écrit : « Sois, cher frère, parcimonieux dans l’emploi de ton temps, mettant à profit chaque instant de ta vie et chaque respiration, sachant que le temps même d’une respiration de personne vaut une pierre précieuse sans égal avec quoi on peut acheter un trésor immense. »
Que Dieu, Tout Miséricordieux, nous regarde, Lui qui guide qui Il veut et égare qui Il veut !
(Fin.)

Bathie Ngoye THIAM.

P.S. :
Lors du « Thiant » de la semaine passée (samedi 04 septembre 2010), un orateur thiantakoune, explique aux « taalibe » pourquoi Serigne Touba, Serigne Saliou et Cheikh Béthio sont chacun Dieu et le Prophète réunis. (Je cite de mémoire.)
« Le Prophète n’était pas un être humain, mais une lumière. C’est pourquoi il n’avait pas d’ombre. Une lumière n’a pas d’ombre. (Lors d’un autre « Thiant », son homologue Serigne Saliou Samb avait expliqué qu’Allah et le Prophète Muhammad (Psl) sont en apparence deux lumières distinctes, mais constituent en fait une seule et même lumière. Et il avait cité des versets du Coran pour démontrer que le Prophète est Allah.)
Lorsque le Prophète sut que son heure de quitter ce monde-ci était arrivée, il pleurait. Dieu lui dit : « Pourquoi pleures-tu ? As-tu peur de la mort ? » Il répondit : « Je n’ai pas peur de la mort car je sais que c’est Toi que je vais retrouver, mais je pleure parce que je m’inquiète pour ceux que je vais laisser ici. » Dieu lui dit : « Ne t’inquiète pas. Dans mille et (X) années, Je réunirai ta lumière et la Mienne et Je descendrai sur terre. » Mille et (X) années plus tard, Serigne Touba est descendu sur terre... »
Quand Serigne Touba s’est caché, Dieu et le Prophète réunis sont devenus Serigne Saliou et quand Serigne Saliou s’est caché, Dieu et le Prophète réunis sont devenus Cheikh Béthio, car Serigne Touba est Serigne Saliou et Serigne Saliou est Cheikh Béthio.
L’orateur a seulement oublié de dire si cela est dans le Coran, dans les hadiths, dans les écrits de Serigne Touba ou si c’est un ange qui lui est apparu pour lui révéler ces secrets. En tout cas, voilà ce dont avons besoin : des savants comme lui qui apportent des réponses claires aux questions que se posent les ignorants comme nous. Jërëjëfati !!!
(Ce discours était posté hier, dimanche, sur le site thiantakoune www.santati.net. Je l’y ai écouté. Aujourd’hui, lundi 06 septembre, il n’y est plus. Pourquoi l’ont-ils censuré ? Allez donc savoir. N’empêche, ceux qui étaient à ce « thiant » pourront témoigner y avoir entendu ces paroles.)

Bonne fin de Ramadan à toutes et à tous, y compris ceux qui pour une raison ou pour une autre n’ont pas jeûné !


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