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MOURIDISME : DE L'ENSEIGNEMENT DE SERIGNE TOUBA A CELUI DES INNOVATEURS. (II)

(Wal Fadjri, 03 septembre 2010.)

D’autres saints
Ce que Dieu possède est infini. Il peut donner à chaque saint, n’importe où dans le monde, quelque chose qu’Il n’avait jamais donné auparavant et qu’Il ne donnera plus à un autre. L’Islam regorge de soufis ayant élu domicile dans ce qu’on appelle le voisinage de Dieu. Il y en a qui, quand ils allaient à la Mecque, ce n’étaient pas eux qui tournaient autour de la Kaaba, mais c’était la Kaaba qui tournait autour d’eux. D’autres n’avaient même pas à se déplacer ; la Kaaba allait les trouver où ils étaient. Il y en a qui, quand ils pleuraient, les houris se lavaient le visage avec leurs larmes pour être encore plus belles. Il y en a dont les disciples étaient capables de voler dans les airs, de marcher sur les eaux et de converser avec les bêtes sauvages. Ibn Arabi, considéré par certains comme le plus grand des maîtres de la spiritualité islamique, dit que la sourate « Al Fatiha », la mère du Livre (on dit que l’ensemble du Coran est contenu dans cette sourate), se manifestait pour le servir.
Un remarquable ouvrage que nous recommandons à tout le monde, est « Le mémorial des saints » de Farid-Ud-Din’Attar (que Dieu l’agrée). On y dit de Safiân Tsavri, qu’il était le « plus grand de son siècle et le peuple le surnommait « l’Emir des fidèles ». On y lit que lorsqu’Abou Hanifeh de Koufa « se rendit au tombeau de l’Envoyé (Psl), il dit : « Salut sur toi, Seigneur des envoyés ! » Une voix, sortant du tombeau, lui répondit : « Salut sur toi, imam des musulmans ! » Et une nuit, il vit en songe l’Envoyé qui lui dit : « O Abou Hanifeh, Dieu t’a créé pour ressusciter mes traditions en les mettant au jour. »
Attardons-nous un peu sur un saint nommé Bayezid. Il était si élevé que des anges allaient s'instruire auprès de lui. Il disait : « J’ai fait réunir les actes d’adoration et les prières de tous ceux qui sont dans le ciel et sur la terre, je les ai mis dans mon oreiller et j’ai placé le tout sous ma tête. » Il disait aussi : « Je voudrais que le jour de la Résurrection arrivât bien vite. Je planterai ma tente au bord de l’enfer afin que son feu se calmât en me voyant et que tous les hommes puissent franchir le passage en toute sécurité. » « On lui demanda s’il existait un serviteur du Seigneur comparable à Ibrahim le prophète, à Moussa, à Issa, à Muhammad. « Oui, il y a moi, dit-il. - Mais, qui est comme Djibril, comme Esrafil ? - Moi, je le suis, attendu que quiconque est parvenu jusqu’à Dieu et s’est uni à lui, tout ce qu’il dit est essentiellement vrai. » « On raconte qu’un jour Bayezid, étant assis à part avec ses disciples, perdit connaissance, tandis que de sa bouche sortaient ces paroles : « Je suis le Seigneur pur et libre de toute souillure. A moi appartient la grandeur. » Lorsqu’il revint à lui, ses disciples lui dirent : « Voilà les paroles que vous avez prononcées. » Alors Bayezid, les adjura tous : « A quelque moment qu’il m’arrive de prononcer encore de semblables paroles, mettez-moi en pièces. » Et il acheta des couteaux qu’il distribua à chacun d’eux.
Or, il arriva qu’un autre jour, Bayezid, perdant de nouveau connaissance, redit encore les mêmes paroles. Aussitôt ses disciples de se précipiter pour le mettre à mort, mais son corps devint tellement grand qu’il remplit toute la maison. Plus les disciples s’acharnaient à frapper dessus avec les couteaux, plus leurs mains s’y enfonçaient comme s’ils frappaient sur l’eau. Au bout d’un certain temps Bayezid commença à rapetisser ; puis ayant repris des proportions normales, il s’assit sur le « mihrâb ». Lorsque ses disciples lui rendirent compte de ce qui s’était passé, il leur dit : « Celui que vous voyez maintenant, c’est bien Bayezid ; quant à celui qui prononçait ces paroles, ce n’était pas Bayezid. »
Il disait : « Durant trente mille années je volai dans les espaces de l’unité du Seigneur très haut. Durant trente mille autres années je volai dans les espaces de Son être. Durant trente mille autres années je volai dans les espaces de Sa grandeur et de Sa majesté. Quand j’eus volé de cette manière durant quatre-vingt-dix mille années, je me vis dans la première station des prophètes et j’y pris un essor qui ne pourrait se décrire. A ce moment je me dis : « Personne n’est arrivé plus haut que cela. » Soudain je regardai et je vis que j’avais la tête sous les pieds d’un prophète. Alors je compris que la dernière station des saints se trouvait là où était la première station des prophètes et que personne autre que le Seigneur Très Haut ne savait où était la dernière station des prophètes. » Ne mettons donc pas nos saints au-dessus des prophètes.
Pour s’unir à Dieu, il faut d’abord supprimer son « moi ». Muhammad ibn Abd al-Gabb Niffari l’explique dans son ouvrage intitulé « Le livre des stations ». Quand un saint y arrive, c’est Dieu qui le fait parler et c’est avec Sa permission qu’il réalise des miracles. Toutefois, une goutte d’eau peut se fondre dans la mer, mais cela ne fait pas d’elle la mer. Quel que soit le degré d’un saint ou d’un prophète, il n’en demeure pas moins une créature. Quiconque dit qu’il est Dieu ou que quelqu’un d’autre l’est, mérite la mort. Bayezid avait ordonné à ses disciples de le découper en morceaux. Mansour, celui qui avait dit qu’il est la Vérité, avait accepté d’être exécuté pour avoir tenu de tels propos. « Qu’il soit fait comme Il l’a voulu ! » avait-il clamé. Allah avait alors manifesté Sa puissance, tout en laissant Son serviteur passer au gibet.
Certes des soufis ont, en apparence, transgressé la Loi parce qu’ayant atteint un niveau qui le leur permet, mais tous les transgresseurs ne sont pas des soufis. Nous ne devons pas nous servir du soufisme pour justifier nos turpitudes. Serigne Touba a écrit : « Le vrai soufi est un savant mettant réellement sa science en pratique, sans transgression d’aucune sorte. Il devient ainsi pur de tout défaut, le cœur plein de pensées justes, détaché du grand monde pour se consacrer au service et amour de Dieu, considérant à un pied d’égalité le louis d’or et la motte de terre, semblable à la face de la terre, sur qui on jette toutes sortes d’impuretés, faisant l’objet des plus durs traitements, mais qui ne donne jamais que du bien. Le scélérat, aussi bien que l’homme de bien la foule aux pieds, mais elle reste immobile et impassible, comparable au nuage qui déverse partout ses ondes, sans discrimination. Celui qui atteint ce stade est un soufi, celui qui ne l’a pas atteint et qui se dit soufi est un imposteur. »
L’imam Malick, une référence pour Serigne Touba, a écrit : « Quiconque pratique le « Tasawuf » (Soufisme) sans étudier la Loi Sacrée (la jurisprudence) corrompt sa foi, alors que quiconque étudie la Loi Sacrée sans pratiquer le « Tasawuf » est un hérétique. Seulement celui qui combine les deux atteindra la vérité. »
Celui que nous cherchons partout est pourtant en nous. « Nous sommes plus près de lui que sa veine jugulaire » (50 :16 ). Un hadith qudsï dit : « Ni la terre, ni le ciel ne Me contiennent, mais le cœur de Mon fidèle serviteur Me contient. » Quand nous arrivons à l’Union, Dieu devient notre ouïe, notre langue, nos mains, nos pieds… Le Prophète disait que « celui qui se connait, connait son Seigneur. » Mais comment se connaître ? C’est alors qu’un guide s’avère nécessaire. Le but de l’aspirant n’est pas de ramper devant des créatures, mais de s’unir au Créateur.

Quelques enseignements de Serigne Touba.
« Le Livre (Coran) est la source de toutes les sciences dans le monde. Ne l’abandonne jamais. Lis-le constamment. Toute conduite que Dieu y a vitupérée et interdite aux créatures, évite-la, tu serais sage car, certes, le Très-Haut ne l’a révélé que pour que les serviteurs l’appliquent. Sois parmi ceux qui l’appliquent. » Il nous met en garde contre « l’habitude de choisir des solutions de facilité, d’interpréter la Sharia dans le sens le plus simple (par paresse ou par tiédeur dans la foi, de biaiser avec sa conscience). « L’aspirant qui prend l’habitude de choisir les facilités dans l’application de la Sharia ne réussira jamais. »
L’Islam est une voie sans tortuosité que Serigne Touba a suivie et nous a vivement recommandé de suivre, nous aussi. Il a écrit : « Appuyez-vous aux piliers de l’Islam pour votre salut, quand sonnera l’Heure. » « Celui qui veut le bonheur des deux mondes doit imiter le prophète partout et toujours. » « O mouride, instruis-toi ! L’instruction éloigne des ténèbres. Quiconque vous défend de vous instruire est un suppôt de Satan. » « Toute méditation, toute conduite doit se baser sur le Coran. »

Le « ndigël ».
Serigne Touba nous dit que « celui qui n’a aucun guide (valable), Satan se charge de le diriger. » Il nous apprend que le disciple doit avoir « une affection sincère et permanente pour son maître, observer strictement ses consignes partout où il les donne, et éviter absolument de soulever des objections, ne serait-ce que dans son for intérieur. » Mais, précise-t-il, si et seulement si ce guide est valable. Il avertit : « Quiconque suit un guide spirituel incapable, sera retenu. » « Un bon guide spirituel ne trahit jamais l’enseignement de l’intercesseur (Muhammad). » « Qui t’indique autre chose que Dieu, fuis-le, il t’égare. » Et le Prophète (Psl) disait : « Le musulman se doit d’écouter et d’obéir dans ce qu’il aime et dans ce qu’il déteste tant qu’il ne lui est pas ordonné de désobéir à Allah. S’il en est ainsi, point d’écoute ni d’obéissance. »
(A suivre.)

Bathie Ngoye THIAM.


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