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BOURGUI WADE

(Wal Fadjiri, 15 juin 2010)

Si l’ex-président tunisien, dont une des avenues de notre capitale porte le nom, était sénégalais, on aurait sans doute fait de Ba son patronyme. Il fut un grand homme bien que n’arrivant pas à la cheville de notre « buur », son excellence Me Abdoulaye Wade, le « vieux sage » de l’Afrique, qui tient à laisser sa trace dans le pays et dans le reste monde. Bourgui Ba a marqué l’Histoire avec les bourdes que sa sénilité lui dictait. Bourgui Wade est décidé à lui ravir la vedette, lui qui est le meilleur dans tous les domaines.
Après ses projets utopiques pour faire du Sénégal un pays émergeant et exportateur de pétrole, le voilà réduit à proposer l’aumône (zakat) et l’usure (ribaa) pour sortir l’Afrique de la pauvreté. Il explique : « Personne ne m’a rappelé que je devais verser la zakat. Vous devez, vous les Oulémas, rappeler aux gens qu’ils doivent verser la zakat. C’est votre faute, vous les oulémas du Sénégal, si je ne verse pas la zakat. Ça fait partie de la solidarité islamique et pourrait aider les plus démunis. » Faut-il en rire ou en pleurer ? Il pouvait, pendant qu’il y était, leur dire que c’est à eux de lui rappeler que Muhammad (Psl) est le prophète d’Allah. Est-ce son passé de franc-maçon qui lui a fait oublier que la zakat est le troisième pilier de l’Islam ? Quant à l’usure (ribaa), ce que l’Islam en dit, est sans équivoque : N’y touchez pas. (Les oulémas doivent se demander de quelle religion est le président en exercice de l’Oci.) Et comme si cela ne suffisait pas, il ajoute : « Au Sénégal, nous avons radicalement éradiqué la pauvreté par un geste. C’est une question de volonté et d’organisation. » Avec 54% de la population sous le seuil de pauvreté, c’est certainement un bien petit geste.
Et il fait sourire les plus courtois de ses auditeurs quand il laisse entendre que ceux qui ont peur de la vérité (certains dirigeants occidentaux), ont peur de lui. Sacré Wade ! Mais bon, ils sont contents, les oulémas, parce qu’il leur a offert un siège à Dakar avant d’aller verser 32 millions de nos francs pour la finition d’une mosquée à Marseille. Si l’on y ajoute les 75 millions balancés aux Ivoiriens pour leur case des tout-petits et tant d’autres dons distribués ça et là, il a raison de dire que la pauvreté est éradiquée au Sénégal.
Sur les « 20 milliards de Sudatel », il nous sort une explication bien tordue. Il révèle qu’en 2007, les responsables de Sudatel avaient « payé cash 200 millions de dollars, qui correspondaient à l’époque à 100 milliards de francs Cfa, somme encaissée par le Trésor public. » Seuls 87 milliards ayant été déclarés, il avance que cela n’est pas son problème car « il y a eu, parait-il, des différences de change. » En 2007, nous apprend le journal « La Gazette », 200 millions de dollars correspondaient à un peu plus de 96 milliards de francs Cfa. Il y a donc de quoi se poser des questions.
Après avoir fait construire son « Monument de la renaissance africaine » par des Nord-Coréens, Wade avait nommé un Français aux oreilles rouges producteur délégué de son « Festival mondial des arts nègres », nous poussant à nous demander s’il se rend compte de ce qu’il dit et fait. Pendant ce temps, dans le reste du monde, on rit aux éclats.
Maintenant, il annonce que le Sénégal va, grâce au Soudan, monter « de très, très grands camions, des camions poids lourds de plusieurs tonnes et de toutes catégories, le premier projet de ce genre en Afrique de l’Ouest. » Y a-t-il encore des gens capables de le croire ?
Des journalistes français le qualifient de « grand spécialiste des promesses non tenues » et relatent ses « waderies » qui font glousser du pôle Nord au pôle Sud. Sur l’affaire Segura, il avait déclenché une hilarité planétaire en déclarant que son aide de camp avait confondu la valise présidentielle et celle à offrir au représentant du Fmi pour respecter une tradition africaine. Auparavant, il avait raconté que son aide de camp s’était trompé de somme et aurait ainsi donné 87 millions de nos francs comme cadeau d’adieu. Sur l’affaire Clotilde Reiss, un journaliste européen trouve que Wade est « hors normes ». C’est pour dire le moins. Dans le journal « Le Monde », on le compare à l’empereur Bokassa, suite à ses sorties contre les ambassadeurs de France et des Etats-Unis. « Ndeysaan ! » Le « visionnaire » est devenu la risée de la communauté internationale.
Vous souvenez-vous de son discours en anglais lors de la signature du contrat du Mca ? Cnn n’avait jamais fait un tel tabac. Canal Plus remporte quand même le trophée avec les délires d’Abdoulaye Wade, celui qui voulait offrir une région entière de son royaume aux sinistrés haïtiens, celui qui préparait un projet de loi pour un prélèvement obligatoire de trois jours sur les salaires des agents du public et du privé, pour soutenir Haïti, celui qui a promis d’installer un tramway à Dakar et sept Tgv pour rallier les villes du Sénégal, celui qui veut doter son pays d’une centrale nucléaire et installer dans le Sahara une centrale solaire de 100 000 mégawatts estimée à plus de 160 000 milliards de francs… (Heureusement qu’ils ne sont pas au courant de tous les « grands projets » de notre Bourgui national.)
Les chaînes de télévision du monde entier sont friandes des Bourgui-shows. Seule la coupe du monde de football attire autant de téléspectateurs. D’après Radio-Fann (de l’endroit où l’on interne certains déséquilibrés mentaux), Saa Neex, Koutia et le jeune « taasukat » (boroom paxum kaña) vont organiser une marche de protestation contre cette concurrence qu’ils jugent déloyale.
Bourgui, dolli ñu, waay ! Un troisième mandat à 86 ans « ak lu tegal » ne nous fera que du bien. Vos petits-enfants ont besoin de rire pour oublier vos promesses non tenues. A défaut de leur ouvrir les portes d’un avenir radieux, continuez à multiplier les bourdes pour qu’ils puissent se dilater la rate. Mais ne leur racontez pas comment Bourguiba a quitté le pouvoir car cela pourrait leur donner des idées.

Bathie Ngoye THIAM.

 


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