PRINCE KARIM, LES GRECS ET LES ROMAINS ERIGEAIENT AUSSI DES STATUES.
(Wal Fadjiri, 04 mars 2010)
Il n’y a pas à dire, le Monument de la Renaissance africaine est la propriété privée des Wade. Les Sénégalais doivent l’accepter, bon gré mal gré. Officiellement, puisque c’est le président de la République qui le dit, le monument représente l'Afrique sortant des entrailles de la terre, quittant l'obscurantisme pour aller vers la lumière. Il n’a pas coûté un sou au gouvernement, mais a été échangé contre des terres de l’Etat. Et il va générer du pognon à gogo. Clap ! Clap ! (12, 14 ou 19 milliards de francs Cfa ont quand même étaient dépensés, mais admettons que cet argent ne vient pas de l’Etat. La magie existe.)
Les applaudissements cessent quand Me Wade déclare qu’il va prendre 35% des retombées financières parce qu’il est l’auteur du monument, et qu’il va donner 65% à l’Etat, propriétaire des terres. Hum ! Comme l’Etat, c’est la famille Wade, ça nous rappelle le conte de l’hyène partageant son bœuf découpé en cinq parties, après les funérailles de son grand-père. « Lii Bukee ko moom, lii Njuur, lii Samba, lii ki maaman dee, lii njëkante la, teg naa ci sama loxo. » Dans cette première déclaration, il précise que les 35% iront à « la Case des tout-petits », par le biais d’une fondation gérée par son fils Karim. Finalement, il décide de prendre carrément les 100% et de confier la gestion à sa fille Sindiély qui pourra ainsi se dispenser de travailler pour le reste de sa vie. Ey waaya ndaw ! Du jamais vu dans un pays qui se dit démocratique. Le vieil homme, qui veut coûte que coûte laisser sa trace, nous fait penser aux pharaons et leurs pyramides. Ramsès II a laissé sa trace en Egypte. Il avait, entre autres, fait construire des sanctuaires au nom du roi et de sa femme Néfertiti. Au Sénégal, certains susurrent que le monument représente Abdoulaye Wade, son épouse et son fils. On est tenté de les croire quand on voit que seuls ces trois ont le droit de perturber le déroulement des travaux, bien que la Reine et le Prince ne soient ni maîtres d’œuvre, ni maîtres d’ouvrage, ni ministres de la Statue.
Madame Viviane, notre Première dame (une Tubaab née à Besançon), accompagnée de la Princesse Sindiély, a viré du chantier du Monument de la Renaissance africaine les représentants d’Atépa, notre « architecte national ». Par la suite, le Prince est entré dans la danse. Lui, n’y va pas de main morte. En une nuit, aux heures où agissent les petits malfrats, il a fait détruire les gradins évalués à 500 millions de nos francs. Wooplow ! Boroom doole xamul ndánk ! Comme sa maman, il sait qu’il n’a aucun compte à rendre aux Sénégalais. Nul n’a bronché, même pas les défenseurs de la statue. Quel autre citoyen oserait déplacer une seule pierre du monument ? Et pourtant, ils sont nombreux, ceux qui souhaitent que ce machin soit démoli.
La télé royale (Rts) annonce que les gradins étaient construits sans autorisation. Ha ! Ha ! Ces gradins n’ont tout de même pas étaient construits en cinq minutes. Et il y avait bel et bien un permis de construire, comme l’a fait savoir Pierre Goudiaby, documents à l’appui. Un permis en bonne et due forme, délivré par l’Etat et pour l’Etat. De plus, c’est Pharaon lui-même qui aurait eut l’idée de mettre des gradins au « Théâtre de Verdure », ce qui signifierait que ce n’est pas lui qui dirige ce pays, puisque son fils a tout cassé, apparemment sans le prévenir.
Selon un journal de la place, le Prince a pulvérisé les gradins parce qu’on lui aurait dit qu’ils rappellent les antiques palaces et théâtres gréco-romains et ne collent pas avec la renaissance africaine. Si tel est cas, il urge de lui faire un petit cours d’histoire.
Tout d’abord, en quoi cette statue (un homme, sa femme et leur enfant, de race noire, pratiquement nus) symbolise-t-elle la renaissance africaine ? Où est le Maghreb dans tout ça ? Bon, supposons que c’est la renaissance de l’Afrique noire ou la renaissance de l’homme noir. Côté habillement, il fut certes un temps où bon nombre de nos femmes se baladaient les seins nus, et les Blancs prenaient des photos. Aujourd’hui, il est rare de voir de tels « spectacles ». Comment donc peut-on faire un monument de la nudité et dire que c’est l’Afrique qui sort des ténèbres pour aller vers la lumière ? N’est-ce pas plutôt le monument du retour en arrière ? C’est dans la Grèce antique qu’on faisait de grandes sculptures, en marbre ou en bronze, d’hommes nus. Et jusqu'au IVe siècle avant J.C., les femmes étaient toujours vêtues. En Afrique noire, il y avait certes des statuettes et des masques en bois pour la plupart, mais ils ne faisaient pas office de monuments. C’étaient des xërëm (objets de culte).
Si l’on détruit les gradins parce que ça fait gréco-romain, que dire donc de la statue elle-même ? Les Grecs érigeaient des statues de formes humaines qui représentaient leurs dieux. Beaucoup d’entre elles furent anéanties par des tremblements de terre, des inondations et d’autres calamités dites naturelles. Même celles des héros et des empereurs ne furent pas épargnées. La statue de Zeus (le Roi des dieux), haute de 13 mètres selon certains, 18 selon d’autres, sur un piédestal de 2 mètres de haut, était classée troisième des sept merveilles du monde antique. Elle fut réduite en cendres par un incendie. Le Colosse de Rhodes, une statue d’Hélios (le dieu du Soleil), était en bronze et avait la taille de l’actuelle statue de la Liberté. Il dominait l’île de Rhodes comme la statue des Wade domine aujourd’hui la presqu’île du Cap-Vert. Il fut fracassé par un tremblement de terre en -292. C'était la sixième des sept merveilles. Voilà de quoi faire réfléchir ceux qui érigent leurs monuments ou ouvrages maçonniques sur des volcans endormis en croyant qu’ils vont y rester pendant 1200 ans.
Dès le IVème siècle après J.C., les chrétiens se mirent à détruire ces statues païennes, ce qui était pour eux un acte de piété, comme le fera le prophète Muhammad (Psl) avec les idoles de la Mecque. Est-ce ce qui motive nos imams ?
Sans avoir à remonter aussi loin, notre cher Prince qui est d’une intelligence peu commune (c’est son papa qui le dit) n’ignore pas que la statue construite à Ouakam par des Nord-Coréens s’apparente plus à celles de Kim Il-sung, Staline et Saddam Hussein qu’à nos masques et statuettes. Il doit savoir aussi que dans l’architecture traditionnelle africaine, il n’y a pas de baies vitrées, pas d’ascenseurs, pas d’acier… Et pendant qu’il y est, pourquoi ne remplace-t-il pas les fauteuils par des troncs d’arbres ? Pense-t-il que les Sénégalais ne valent pas la peine qu’on leur construise des gradins confortables pour assister à des activés culturelles et regarder des matchs de foot sur un écran géant ? Mon Dieu, au secours !
Bathie Ngoye THIAM.