DES JEUNES DE BAMBEY DECLARENT LA GUERRE A AIDA MBODJ
(Wal Fadjiri, 25 février 2010
Le Quotidien, 05 mars 2010)
Depuis quelques décennies, Bambey va de mal en pis, et ses maires ont une grande part de responsabilité dans cette descente aux enfers. C’est comme si chaque élu s’évertuait à battre son prédécesseur en médiocrité et en je-m’en-foutisme. A se demander si ce ne serait pas mieux de ne pas avoir de maire du tout. En faisant d’une femme leur édile, le 22 mars 2009, les Bambeyois s’attendaient à un vrai changement. Aujourd’hui, certains sont déçus et se posent des questions sur la gestion de la cité.
L’état des routes est tristounet. Que du sable et des ordures. Est-ce ce qui explique qu’à Bambey, on peut se promener pendant des heures sans rencontrer une voiture ? Aïda Mbodj a pourtant comblé un gap en montrant aux Bambeyois ce qu’est une luxueuse villa. Et nul ne peut dire que c’est avec l’argent de la commune. Madame était pleine aux as avant son élection. Elle avait été pendant presque quatre ans à la tête du ministère de la Famille dont on dit que c’est « un département pour s’enrichir ». Avec plus de vingt directions et services sous ses ordres, notre sœur disposait d’un budget de plusieurs milliards de nos francs. Elle pouvait donc construire des maisons, offrir des véhicules, réfectionner une mosquée… Des Bambeyois s’exclamaient : « Nguur, ku ne neexul, da nga caa bokkul. »
Aïda pouvait, comme ceux qui l’ont précédée depuis Pierre Senghor, régner en toute quiétude, mais elle a trouvé le moyen de dresser une partie des jeunes contre elle. Notre « diriyanke » au teint bien clair, « maashallah », et aux parures de « linguère », est allée jusqu’à interdire une finale de « navétane », tout en prenant bien soin de son « drapeau de lutte ». Elle aurait même porté plainte contre l’Odcav pour que le match de foot n’eût pas lieu.
Ne voulant pas subir sans broncher les caprices du maire, des fils de Caapi (Bambey-Taax) ont décidé de défendre leurs intérêts et ceux de leur commune. L’association « Jeunes de Bambey pour une ville émergente » est créée dans ce but. Ses membres n’en veulent pas à Aïda-Fantômas d’avoir chanté les louanges du président Diouf pendant de longues années, combattant sans merci les opposants de l’époque qui lui permettent aujourd’hui de « mouiller son riz ». Non, ils ne lui en veulent pas d’avoir retourné son grand-boubou sous des prétextes fallacieux. Ce qu’ils ne lui pardonnent pas, c’est ce qu’ils appellent « son incompétence et son arrogance ». Ils tiennent à lui rappeler ses devoirs et l’obliger à les accomplir. Ils écrivent : « Elle doit savoir que la jeunesse de Bambey n’a pas oublié ses reniements et reconversions spectaculaires, mais lui a donné une chance de rectifier ses erreurs en administrant autrement la ville et en évitant l’irrévérence qu’elle incarnait lors de son tandem avec Mbar Fall entre 1996 et 2001. Un tandem qui a enfoui, pour longtemps encore, les illusions qui restaient à cette jeunesse au quotidien de plus en plus difficile. Cette jeunesse n’a pas oublié l’année 1993 où elle a débarqué, avec sa finasserie, scandant opportunistement « Abdoo ñu doy » ». Cette jeunesse n’a pas oublié les meurtres à coups de machette découlant d’une rivalité entre ex-frères socialistes obnubilés par leurs ambitions personnelles démesurées. Pourtant elle l’a élue en sanctionnant une équipe qui était trop éloignée des préoccupations des populations. »
Jeunesse et sport allant de pair, ils exigent que les autorités remettent en bon état les deux seuls terrains de basket-ball (hormis celui du lycée), le seul d’handball et la piste d’athlétisme. Ne voulant pas que leur mairie soit juste un tremplin pour une ascension politique, ils réclament leur droit à l’épanouissement. Ils dénoncent un centre de santé ne disposant même pas du minimum indispensable et où les recrutements seraient basés sur des couleurs politiques, un centre universitaire où il suffit d’être avec Madame pour trouver un poste de jardinier, de coursier, de gardien, de cuisinier, de restauratrice ou pour bénéficier d’une cantine dans l’enceinte de l’université. Ils accusent le maire d’avoir confié les grands marchés de la commune à son frère cadet qui n’en a point la compétence. Et surtout, ils veulent de la clarté dans la gestion des ressources de la commune. Ils déclarent : « Si nous leur avons confié la mairie, c’est parce qu’ils nous avaient promis de faire face à nos problèmes. Nous rendre la vie encore plus difficile est inacceptable. Qu’elle (Aïda Mbodj) sache qu’aucune concession ne lui sera faite. Animés par la seule volonté de rehausser l’image de notre ville détroussée par des politiciens de son acabit, nous répondrons œil pour œil, dent pour dent, à toutes les malséantes provocations. Fini le fatalisme béant ! Nous agirons pour un mieux être de chaque habitant de la commune. Fini les tergiversations et les magouilles ! Fini les mensonges et les tartuferies ! L’heure est à la citoyenneté affirmée. La jeunesse se battra pour une meilleure existence. Alors, Madame, il n’y a que deux camps, le vrai et le faux et nous avons préféré la franchise à la soumission. A nous deux et que le meilleur gagne ! »
Les jeunes de Bambey ont toujours essayé de sortir leur ville des ténèbres. Il y a, depuis quelques années, une association des ressortissants de Bambey. En 1989, un mouvement apolitique nommé « Nouvelle entente des jeunes de Bambey » avait vu le jour, avec plus de 150 membres désireux de faire quelque chose pour leur département. Leurs activités tournaient autour d’actions civiques pour l’environnement (nettoiement des rues, assainissement et embellissement), sanitaires (sensibilisation sur la lutte contre le paludisme, le sida, la drépanocytose...) et sportives. Mais les décideurs transformant leurs actions en coups d’épée dans l’eau, les jeunes sont maintenant déterminés à prendre leur destin en main au lieu de le confier à des politiciens de profession qui mettent leurs intérêts personnels au-dessus de tout. Il y en a qui ont même créé un parti politique : la « Nouvelle Intelligence pour le Développement de l’Afrique » (Nida). Ils prônent « une politique au service exclusif de la cité et des citoyens ». Même s’ils ont fait une alliance stratégique avec certains membres du Pds, lors des dernières élections locales, leur but est de débarrasser le Sénégal d’Abdoulaye Wade et Bambey d’Aïda Mbodj. Ils tiennent des congrès de quartier pour « conscientiser les populations sur la situation de la commune et le danger que constituent Aïda Mbodj et sa bande ». Ils ont actuellement quatre conseillers municipaux à Bambey, trois à Ngogom et un à Ngoye. Voilà un bon départ !
Mais, ne perdons pas de vue que Madame n’est premier magistrat que depuis un an, et a trouvé des caisses plus que vides (un déficit de cinquante-neuf millions de nos francs) qu’elle essaie de renflouer. Il faut peut-être lui laisser un peu plus de temps car, si elle défend sa commune comme elle défend ses intérêts personnels, il y aura sans doute de vrais changements. Vice-présidente à l’Assemblée nationale, elle a eu le courage de signaler au Prince Karim que Bambey aussi a besoin d’infrastructures, et elle se bat pour que le plan Orsec ne laisse pas en rade sa ville victime avérée des inondations depuis des lustres. Elle avait aussi profité des « Vacances citoyennes » pour demander au gouvernement de changer le visage de sa cité. Et lors de la cérémonie de remise du trophée Microsoft Itf Awards au professeur Ousmane Diouf -que nous félicitons au passage-, elle avait déclaré que « grâce au projet pédagogique d’Ousmane Diouf, les populations de Bambey seront les intellectuels du 3ème Millénaire. » Elle voudrait, selon ses dires, un partenariat franc avec toutes les franges de la jeunesse et a promis de faire de Bambey une ville moderne. Qui dit mieux ? Attendons donc pour voir les fruits de son labeur, quoique… « Cin, bu naree neex, bu baxee xeeñ. »