(Walf Fadjri, 10 novembre 2009)
Wade à la tête de ce pays, c’est une catastrophe. Nous le constatons tristement. Mais plus dangereux que Wade sont ceux qui hier étaient avec lui et qui, congédiés, veulent s’ériger en sauveurs de la république en attaquant leur mentor, alors qu’ils feraient mieux de plier leurs queues et de s’asseoir dessus. Ne faisant plus partie des convives qui se partagent le gâteau, ils jettent du sable dans le plat. La politique n’est pour eux qu’un moyen d’accéder aux honneurs et à l’argent facile. Comment peuvent-ils participer à « l’alternoce », et, une fois écartés du festin, cracher sur le « généreux » Wade ? Tout ce qu’ils révèlent et dénoncent, ils le savaient quand tout allait bien pour eux, quand ils étaient ministres ou conseillers ou faisaient partie des centaines de personnes qui accompagnaient Sa Majesté lors de ses milliers de voyages onéreux et inutiles. Dans quels tiroirs avaient-ils rangé leur patriotisme ? Tiendraient-ils les mêmes discours si Wade ne les avait pas balayés comme des ordures ? Ne leur accordez aucun crédit s’ils prétendent qu’ils avaient voulu démissionner juste avant d’être emportés par la tempête. Ils ne sont, pour la plupart, motivés que par la vengeance ou le chantage. Si on leur cède encore une part du butin, ils changent de langage sans sourciller. Seuls les plus rancuniers et ceux à qui il reste quelques miettes de dignité refusent de retourner au bercail.
Aujourd’hui, nous assistons encore une fois à des retrouvailles entre Abdoulaye Wade et « Iblissa » Seck, le « njublang » qui se sert d’hadiths et de versets du Coran pour justifier ses ignominies. Ces compères font alterner la hache de guerre et le calumet de la paix, selon leurs protocoles et deals, au grand mépris de leurs concitoyens. Nous nous souvenons des Cds d’Idy et de la « déseckification » qui consistait à pourchasser le maire de Thiès et son gang. Wade a, maintes fois, affirmé que son fils d’emprunt, qu’il a lui-même créé, a détourné des dizaines de milliards de nos francs, allant jusqu’à citer les lieux où il les avait déposés. Idy, sans qu’on lui mette du sucre à la bouche, a avoué s’être enrichi avec de l’argent qui n’était le sein, mais qui lui était confié. Qu’est cela sinon de l’abus de confiance et du vol ?
Pourtant, des individus de mauvaise foi s’entêtent à crier sur les toits qu’il n’a rien volé. Et par extraordinaire, ils ont des gens qui veulent bien les croire. Les manipulateurs ont de beaux jours devant eux. On ne peut défendre l’intérêt du Sénégal et aborder l’affaire Wade-Idy sans se demander où sont passés les milliards du peuple, à moins qu’il n’y ait anguille sous roche. Qu’on soit politique, journaliste ou membre de la société civile, on ne peut pas traîner Wade dans la boue et ménager le jardinier de ses idées farfelues. Idy est certes le Damel des opportunistes, mais la légion compte d’autres gradés dans ses rangs.
Macky Sall, celui qui exécutait les sales boulots de Wade, le bourreau sans masque d’Idy, est, depuis qu’il a été humilié et défenestré, devenu une figure de proue de l’opposition. Qui peut y croire ?
Vous souvenez-vous de ces paroles d’Ousmane Ngom : « Wade parle en démocrate, mais agit en monarque » ? Ce monsieur-là a coupé sa langue et sert docilement son maître en attendant d’être à nouveau écarté pour dénoncer la monarchisation de l’État.
Cheikh Tidiane Gadio, l’ex-immuable ministre des Affaires étrangères a déclaré après son limogeage, qu’il va désormais défendre la Démocratie et la République et lutter sans concession contre la corruption, la mal-gouvernance… Eh bien ! Que faisait-il donc avant ?
Aminata Tall. La linguère du Baol me fait perdre mon wolof. « Soxna si, gor ca wax ja, waay ! » N’a-t-elle pas, quand elle s’est sentie éloignée des noceurs, donné des noms d’oiseaux à Wade, le trompeur ? On lui ouvre une porte au palais et la voilà qui ravale ses vomissures. Même son de cloche chez Mbaye Jacques Diop, le fameux « porteur de pancartes », qui beugle que « Wade n’a pas respecté la parole donnée. » Espère-t-il ainsi remplir son porte-monnaie ?
Landing Savané. Ndeysaan ! La honte, camardes, la honte ! Il a fallu que Wade lui tourne le dos pour qu’il se souvienne des populations. Maintenant, il veut une coalition populaire capable de bouter le Président hors du pays afin de mettre un terme à la descente aux enfers. « Folli Abdoulaye Wade ! » crie-t-il. Et dire qu’il a été ministre sous Wade pendant sept ans, bouche cousue.
Modou Diagne Fada. Ah ! Lui ! C’est le fantôme du château hanté. Il n’y a plus sa place, mais tient à y rester. On l’écarte, il hurle et remue ciel et terre. On le fait revenir, il redevient agneau.
Jean-Paul Dias. Comment cet homme qui, pour des raisons obscures, défend Dadis Camara, le boucher du 28 septembre à Conakry, peut-il figurer parmi les potentiels dirigeants de notre cher Sénégal ? Il valse entre le pouvoir et l’opposition, tantôt dans un camp, tantôt dans l’autre. Il se dit centriste, mais rappelons-lui que celui cherche le juste milieu risque de s’asseoir entre deux chaises.
La liste est loin d’être exhaustive…
Heureusement qu’il y a des gens comme Penda Mbow, Amath Dansokho, Abdoulaye Bathily, etc., qui y sont entrés dans le gouvernement de Wade avec leurs convictions, y sont restés avec et en sont sortis avec. Dès que Buur Saalum a commencé à « montrer des pattes de hyène », ils ont pris leurs distances. Rendons hommage à Talla Sylla pour sa constance dans ses convictions, malgré les coups de marteau dont le dossier est classé sans suite. Cheikh Bamba Dièye aussi est un des jeunes espoirs. Avec un peu plus d’expérience, il pourra contribuer à sortir le pays des ténèbres sans avoir besoin de construire une statue de la Renaissance
Barthélémy Dias, contrairement à son papa, avait forcé l’admiration d’une frange de la population. Quand nul n’y songeait, il avait, avec d’autres patriotes, interrompu par des huées le président Wade en plein discours, à Washington, et avait eu le courage de rentrer continuer son combat au Sénégal. Rien, ni même un séjour dans les cachots torrides de Tambacounda, n’a pu ramollir sa détermination. Tout naturellement, il fut élu maire. C’est alors qu’il surprit et déçut plus d’un en exigeant une belle voiture de fonction et la réfection de son bureau. Mais bon, l’erreur est humaine, dit-on. L’essentiel est de ne pas y élire domicile.
Pour conclure, disons ceci : « Buur aayul, dag yaa aay ». En mars 2000, nous n’avions pas tenu compte de cet adage, croyant qu’il suffisait de changer de « roi » pour que le pays aille mieux. Ne viser que Wade, c’est se tromper de cible. Un gouvernement n’est pas un homme seul, mais un régime, disons, pour ce qui concerne le Sénégal actuel, quelques honnêtes gens noyés dans un régiment d’opportunistes et de vautours. Nous avons viré Diouf pour élire Wade, remplacé le choléra par la peste. Wade a gardé l’équipe de son prédécesseur en y rajoutant ses « fils » à la moralité douteuse et des énergumènes comme Farba Senghor, Pape Samba Mboup, Doudou Wade... Où est le changement ? Il se croit malin, mais il n’a trompé personne. Il a juste trahi tout le monde. Il a décapité ceux qui le soutenaient pour s’entourer de ceux qui le combattaient ou l’injuriaient, ceux-là même que le peuple ne voulait plus voir aux commandes.
Il ne suffit pas de combattre Wade mais aussi tous ceux qui ont vendu leurs âmes au diable pour entrer dans ses grâces, même s’ils sont devenus par la suite ses plus farouches détracteurs. Si l’on ne change que le brassard de capitaine d’un bras à un autre tout en gardant la même équipe, l’on ne peut pas s’attendre à des changements considérables.
BATHIE NGOYE THIAM.