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VOULOIR ET POUVOIR

(Wal Fadjri, 15 avril 2008)

Dans le journal « L’Office » du 12 avril 2008, Serigne Omar Mbacké Gaïndé Fatma parle ouvertement de politique, donnant ses avis et expliquant ses choix avec une sincérité notable. Nous pouvons néanmoins voir les choses autrement et avoir, par conséquent, d’autres points de vue.

Répondant aux questions du journaliste, le marabout assène d’emblée et sans détours cette vérité : « Ecoutez, si vous ne vous intéressez pas à la politique, la politique s'intéressera à vous. » Il montre ainsi que chaque citoyen doit participer à la gestion du pays. Et il a choisi son camp : le Pds, parti du président Wade qu’il soutient. C’est son droit et il a ses raisons que nous respectons tout en ne partageant pas ses arguments, ce qui est aussi notre droit. Il déclare : « Je n'ai fait que perpétuer la tradition, étant donné que Serigne Cheikh Mbacké l'a soutenu moralement, financièrement, et l'a incité à créer le Pds en 1974. Il est donc tout à fait normal que je le soutienne, par égard à mon vénérable père et guide, par respect pour sa mémoire. » Cela est compréhensible. D’autre part, il est vrai que jusqu’en 2000 et même un peu après, Wade avait suscité confiance et fait naître de l’espoir. Ceux qui ne pouvaient pas le soutenir financièrement, défendaient sa cause en laquelle ils croyaient. Depuis, beaucoup ont changé d’avis, s’ils ne regrettent pas d’avoir voté pour lui. Wade avait fait énormément de promesses. Les gens croyaient qu’au bout de son premier mandat, il allait tenir au moins la moitié de celles-ci. Force est de reconnaître que ce n’est pas le cas. Les conditions de vie des populations se sont empirées et beaucoup d’espoir s’est envolé. Le Wade de 1974 n’est pas celui d’aujourd’hui. Cela dit, on peut toujours avoir des raisons personnelles de continuer à le soutenir.

Serigne Omar rappelle que Karim Wade, fils du président, est un Sénégalais à part entière. Cela ne pose, nous semble-t-il, aucun problème. Les autres 11 millions de Sénégalais doivent se considérer comme ayant les mêmes droits que lui et ayant, eux aussi, des ambitions pour le pays. Mais attention, il y a l’ambition de gouverner et celle de servir le pays. On peut gouverner sans servir le pays et l’on peut servir le pays sans gouverner. L’idéal est de gouverner pour servir, mais c’est mieux de servir sans gouverner que de gouverner sans servir. Pour gouverner, il faut détenir le pouvoir, mais pour servir il faut connaître les réalités du peuple, ses besoins, et se sentir concerné.

Serigne Omar reconnait quand même que tout n’est pas au point et dit sans ambages : « Il est clair que ni lui (Karim Wade), ni même son entourage ne connaissent les difficultés auxquelles les populations sont confrontées. » Que peut-on y rajouter ? Ça, c’est vouloir être président et ensuite se demander, éventuellement, quels sont les besoins du pays. N’est-il pas mieux de connaître le pays et ses problèmes, et avoir des solutions, avant de vouloir le pouvoir ?

Et le marabout de conclure : « Comme Serigne Cheikh l'avait fait pour son père, je l'accompagnerai (Karim) dans la réalisation de ses projets, pour le Sénégal. » Ces propos ne sont pas sans rappeler ceux du politicien Modou Diagne Fada, en pleine campagne électorale : « …logiquement, si Abdoulaye Wade, taalibe de Serigne Saliou Mbacké est président, alors Fada de Borom Darou doit être son second, comme Mame Thierno a été le collaborateur le plus immédiat de Serigne Bamba. » Jusqu’où peut aller cette logique ? Doit-il en être ainsi de génération en génération ? En tout cas, Serigne Omar, si Karim devient président, il aura grand besoin de conseillers comme vous, car vous n’avez apparemment pas peur de dire ce que vous pensez.

Bathie Ngoye Thiam.


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