(janvier 2003)
« L’Afrique aide l’Afrique » et non « l’Afrique
aide l’Europe. »
Si j’habitais en Suisse, j’aurais eu honte de dire aux autres
Africains que je suis Sénégalais.
L’administration sénégalaise qui a tant de mal à
traiter ses propres dossiers ne peut pas se permettre d’« aider
» la Suisse à traiter les siens. Cela reviendrait à créer
un département du ministère de l’Intérieur suisse
au Sénégal. En a-t-on besoin ?
Nous dire que la Suisse envoie une partie de ses immigrés faire trois
jours de tourisme au Sénégal ne peut pas nous convaincre. Une
calebasse vide ne trompe pas une chèvre. Qu’est-ce que la Suisse
donne en échange ? Et que feront les autorités sénégalaises
pendant ces trois jours ? Auront-elles la tâche des collabos qui démasquaient
les juifs lors de la deuxième guerre ?
Notre ministre nous sort des arguments à l’américaine
en évoquant tous ces malheureux qui risquent leur vie pour se rendre
en Europe au lieu de rester chez eux et contribuer à développer
l’Afrique. Ciel ! Je crois entendre Le Pen ! Monsieur l’honorable
ministre qui fut émigré avant d’avoir son poste enviable
doit savoir que les Sénégalais de l’extérieur dont
il est censé s’occuper, jouent un grand rôle dans notre
développement, et accomplissent même parfois le devoir de notre
cher gouvernement. Dans presque chaque famille, il y a un émigré
ou un ex ou futur émigré. Qu’on ne se voile pas la face
! C’est inapproprié de fustiger ces jeunes qui, justement parce
qu’ils veulent contribuer au développement de leur pays, vont
tenter leur chance là où l’herbe est plus verte et le
pain plus abondant. Combien de nos dirigeants envoient leurs enfants en Europe
ou en Amérique ? Les moins nantis qui n’ont pas ces facilités
se démerdent comme ils peuvent, quitte à mourir dans la cale
d’un bateau.
« Donner à nos enfants les moyens de vivre décemment chez
eux et vous verrez qu’ils ne viendront pas galérer chez vous.
» Voilà, à mon avis, ce que notre « Ministre des
Emigrés » doit tenir comme langage à ses partenaires suisses.
Selon lui, les Suisses ne vont pas déporter des Sénégalais
mais d’autres Africains de l’ouest. Et ils ne feront pas des déportations
de masses mais seulement un individu de temps en temps. Mon œil ! Si
cet accord dont le peuple devrait avoir le droit de connaître le contenu,
ne vise que des Africains dont on ignore les pays d’origine, comment
peut-on dire qu’ils ne sont pas Sénégalais ou qu’ils
ne sont pas Kenyans ou Angolais ? Et si on sait qui ils sont, pourquoi donc
les acheminer vers le Sénégal. Je pressens quelque chose de
louche dans cette affaire.
L’Afrique se plaint de la fuite de ses cerveaux. Pourquoi ne pas signer
des accords permettant de faire revenir nos cadres ? Pourquoi ne pas dire
aux Suisses : « Construisez un hôpital ici et proposez à
nos médecins qui sont chez de vous de venir y travailler, en leur payant
un salaire convenable. », par exemple. Mais la Suisse risque plus de
nous envoyer des vendeurs de « yamba » que des ingénieurs.
Monsieur Gadio, cet accord est une grosse erreur, pour ne pas dire une honte.
Revenez-y avant qu’il ne soit trop tard. 2007 n’est pas très
loin et les électeurs tiennent à leurs fils, filles, frères
et sœurs, etc. qui, de l’extérieur, leur envoient leurs
« dépenses ».
Bathie Ngoye Thiam