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ET S’IL FALLAIT CHOISIR ENTRE LE DEUXIEME AEROPORT ET LE DEGORGEMENT DE DAKAR ?

(23 novembre 2002)

Des milliards sont nécessaires pour construire un deuxième aéroport tout comme pour dégorger la capitale. Est-ce que l’État peut réaliser les deux projets en même temps ? La réponse est sans doute négative. Alors s’impose un choix. Où est l’urgence ?
Un deuxième aéroport, c’est bien beau, mais est-ce vraiment le moment ? Imaginez qu’en 2007 ou avant, si les délais sont respectés, l’aéroport s’ouvre au ciel. Des avions décollant et atterrissant alors que sur terre la circulation devient infernale. On descend de l’avion et on monte dans sa voiture pour de se rendre à Dakar. Seulement voilà : on ne peut ni entrer dans la capitale ni en sortir. A quoi servirait cet aéroport ? Cela ressemble à une fiction de mauvais goût, mais c’est bien ce qui risque de se produire dans les prochaines années. A moins qu’on ne crée une deuxième capitale, dans quel cas je proposerais Bambey ou Keur Samba Kane. Pourquoi pas ? Y a qu’à regarder Yamoussoukro ; ce n’était qu’un village anodin… Mais cela aussi nécessiterait des milliards…
Dakar est devenu une ville où les marchands s’emparent des trottoirs et les piétons disputent la chaussée aux voitures. La circulation est chaotique. Les journalistes parlent de « l’indiscipline qui rythme le trafic urbain », d’ « actes de vandalisme sur les routes » et des « ravages » de cette indiscipline. Circuler dans Dakar est cauchemardesque. Tout le monde est pressé et personne n’avance, alors chacun n’en fait qu’à sa tête, au mépris d’autrui et des règles de bonne conduite les plus élémentaires. Honte à la nation ! Les répressions les plus sévères doivent être en vigueur. Il est des situations où le bâton est indispensable pour le rétablissement de l’ordre. Ceci n’est pourtant que la partie visible de l’iceberg. Ce n’est pas en plaçant un agent à chaque coin de rue qu’on réussira à désengorger la capitale. Les poumons sont malades et le pays tout entier en souffre. Dakar est au bord de l’asphyxie. Quarante-cinq minutes pour parcourir dix kilomètres en voiture, ce n’est pas le meilleur engrais pour l’économie. Les experts disent que « le problème de la fluidité du trafic engendre des pertes de 2 % du Produit National Brut (PNB), soit une quarantaine de milliards. » Et ce qui est plus alarmant, c’est que la population de la capitale et ses voitures ne cessent d’augmenter, ce qui est tout à fait normal pour une ville qui se développe, me direz-vous.
Dakar est comme une bouteille. Tout entre et sort par le goulot. Les bouchons sont donc de la partie. Voilà le vrai problème, le mal auquel nous devons remédier si nous ne voulons pas suffoquer avec notre cher Dial Diop.
A bien regarder l’évolution cartographique de Dakar, on s’aperçoit qu’il n’y a pas eu beaucoup d’innovations importantes dans le domaine de la circulation. Depuis le début du xxème siècle jusqu’à nos jours, les principaux axes sont restés les mêmes. La Nationale passant par Bargny, Rufisque et Thiaroye, qui pendant un siècle a bien servi la capitale, commence à lui devenir fatale. Il faut un nouveau souffle pour décongestionner la ville et ses faubourgs.
Les voies de dégagement (VDN et autres tentatives) ont sans doute étaient une bonne initiative, mais leur efficacité reste discutable. Les accidents y sont monnaie courante. Les feux, les « gendarmes couchés » ou debout n’y peuvent hélas pas grand-chose.
La Route de la Corniche Ouest est une des rares voies où l’on a parfois l’impression de « rouler ». Mais pour combien de temps encore ? Elle est à bout de souffle. Les plus optimistes des diagnostiqueurs ne lui donnent pas plus de trois années. Plein, c’est plein. Et tout ce qui est de trop, dit-on, déborde.
Alors, aux grands maux les grands remèdes. Voici quelques idées que je laisse à l’appréciation des décideurs et spécialistes.
Il faudrait, au sortir de Thiès ou à partir de Diamniadio, créer une deuxième route nationale vers Dakar, une déviation qui passe par Malika, Guêdiawaye, Cambérène, Yoff (pratique pour se rendre à l’aéroport, n’est-ce pas ?), Ngor et la Pointe des Almadies. Et de là, construire un pont qui passe par-dessus l’Atlantique, allant des Almadies au Cap Manuel. Ce pont doit avoir au minimum quatre voies, deux dans chaque sens. Des entrées et sorties seront aménagées pour Ouakam, Mermoz, Fann, et d’autres zones. Un autre pont devrait relier Thiaroye sur Mer et la Pointe de Bel Air, ce qui soulagerait le Pont de Hann devenu saturé.
Rappelons quand même à nos concitoyens que l'Etat a le projet, à plus ou moins court terme, d'une autoroute entre Dakar et Thiès, censée longer l'océan, donc passant par Yoff, Guédiawaye, etc., dont le financement serait déjà totalement disponible. Mais est-ce que cela suffira ? Qui vivra verra, comme on dit.
Il faut tout de même saluer le fait que depuis quelques mois, la Nationale 1, dans sa portion Diamniadio-Rufisque, est scindée en deux grandes voies. Voilà certes de quoi entretenir notre espoir. Qui dit que nos dirigeants dorment dans leurs bureaux ?
Pour en revenir à la mer, pourquoi pas une liaison Dakar, Rufisque et Mbour par Chaloupe ?
Mais ce qui me préoccupe par ailleurs, c’est que les habitants de Sakal et de Silâne doivent se demander comment construire des routes au-dessus de la mer. Disons leur que ce n’est pas sorcier, mais qu’il faudra, pour tenir Mame Koumba Lambaye, Leuk Dawour Mbaye, Mami Wata et consorts en respect, que les routes soient bien éclairées la nuit.
Les Hollandais sont experts en la matière, eux qui ont fait reculer l’océan pour fonder des villes et construit des ponts, parfois longs de plusieurs dizaines de kilomètres, qui traversent la mer et relient leurs îles du Nord. Et que dire du Tunnel sous la Manche qui relie la France et l’Angleterre ? Les exemples ne manquent pas, ce qui prouve que c’est faisable.
Reste à savoir qui financera tout ça. Je me dis que si on peut trouver de l’argent pour construire un deuxième aéroport, on doit pouvoir en trouver pour sauver Dakar. Et cet aéroport, à mon humble avis, aurait une place plus appropriée dans la très touristique Casamance, ce qui permettrait aussi de mieux rattacher cette région au reste du pays et d’atténuer peut-être les problèmes qui y subsistent depuis un certain temps.
Un deuxième grand marché, style Sandaga, à Guêdiawaye par exemple, s’avère nécessaire. Quand il n’y a pas de travail, on devient Baana-baana.
Des parkings souterrains sont à prévoir et il faudra aussi revoir le système des égouts.
Je crois aussi qu’il serait bien de créer un deuxième grand port, quelque part vers Lompoul et Mboro ou du côté de Joal, histoire de décentraliser un peu.
Il y a sûrement de meilleures solutions, mais il faut les trouver. Pour l’instant, il me semble que nous sommes en train de brûler les étapes. La charrue avant les bœufs. Grands travaux pour grands travaux, commençons par l’essentiel.

Bathie Ngoye Thiam



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